Contribution de la section PS20e – Commune de Paris à la Convention nationale “Le temps des femmes” Les parentalités, l’une des clés de voûte des inégalités entre les femmes et les hommes Dans le cadre de la convention féministe du Parti Socialiste, la section du 20ème a choisi de s’intéresser particulièrement aux enjeux liés aux parentalités qui sont au cœur des inégalités entre les femmes et les hommes. Avant toute chose, rappelons que les femmes ne devraient jamais subir d’injonctions à avoir des enfants et que nous évoquerons dans cette contribution les parentalités sous toutes leurs formes et pas uniquement les couples hétérosexuels. Mais, force est de constater que lorsque l’on devient parent, les attentes de la société sont disproportionnées en fonction du genre. Les représentations quant à la présence auprès des enfants ou quant à l’éducation (IV) sont différentes et les femmes voient leurs carrières impactées (V). En amont des parentalités, deux enjeux d’égalité professionnelles sont encore trop mal appréhendés : la santé menstruelle (I) et les congés maternité et modes de garde (II). Après la naissance de l’enfant, la monoparentalité, situation le plus souvent vécue par des femmes, renforce ces inégalités (III). Briser le tabou de la santé menstruelle Phénomène aussi normal que naturel, les menstruations (ou règles) sont toujours un sujet tabou. Ce n'est qu'en juin 2022 que l’OMS a réclamé que la santé menstruelle soit une question de santé et de droits humains et non une question d'hygiène. La douleur des femmes est sous-estimée, banalisée et invisibilisée, particulièrement dans le milieu professionnel mais aussi dans le milieu carcéral alors que ces troubles peuvent avoir une incidence importante sur les femmes souffrant de dysménorrhées (endométriose, syndrome des ovaires polykystiques, fibrome ou troubles dysphoriques prémenstruels...). Crampes abdominales, vertiges, nausées, fatigue intense, irritabilité… Autant de symptômes qui affectent la vie personnelle et professionnelle des femmes. Aucun cadre légal ne permet actuellement aux femmes de prendre un congé rémunéré lorsqu'elles souffrent de dysménorrhées. Deux propositions de loi socialistes ont été déposées en ce sens au Parlement en 2023. La Ville de Saint-Ouen et son maire, Karim Bouamrane, l’a déjà mis en place. La Ville de Paris et Anne Hidalgo souhaite, quant à elle, le faire au plus vite, en portant également un congé fausse couche. En effet, les règles ne sont pas la seule difficulté gynécologique à laquelle les femmes sont confrontées. En France, chaque année, 200 000 femmes sont victimes d'une interruption spontanée de grossesse, communément appelée fausse couche. Pour nombre de ces femmes et pour leurs partenaires, subir la perte d’une grossesse est un traumatisme. Congé maternité et modes de garde En France, la durée du congé maternité est au minimum de 112 jours et de seulement 28 jours (dont uniquement 4 obligatoires !) pour le congé paternité et d’accueil. Pendant le congé maternité, les femmes en France bénéficient d'indemnités journalières versées par la Sécurité sociale. Plafonnées et basées sur leurs salaires qui souffrent déjà d’un écart avec ceux des hommes. Certaines femmes peuvent faire face à des discriminations ou à des préjugés au retour de leur congé maternité. Cela peut se traduire par des difficultés à retrouver un emploi, des promotions manquées, des traitements différenciés au sein de l’entreprise ou entraîner des difficultés à concilier leur vie professionnelle et familiale. Certaines femmes, en raison de leur secteur ou régime d’activité, ne bénéficient pas du droit au congé maternité. C’est ainsi que les contrats atypiques (les intermittentes, les contrats d'intérim, les contrats de mission ou les contrats saisonniers), les travailleuses indépendantes (les micro-entrepreneuses, les freelances, etc...) ne sont pas couvertes par le régime général de la Sécurité sociale. Les règles spécifiques varient en fonction du type de contrat et des réglementations associées. Les salariées en situation administrative précaire telles que les travailleuses sans papiers ou les demandeuses d'asile peuvent ne pas bénéficier des mêmes droits et protections que les citoyennes françaises ou les résidentes régulières. Cela peut limiter voire empêcher l’accès au congé maternité. Ces entraves sont accentuées par les difficultés des familles pour trouver un mode de garde. 4 familles sur 10 ne disposent pas de places d’accueil pour leur jeune enfant. Ce déficit de mode de garde qui n’est pas nouveau renforce les inégalités sociales et pénalise particulièrement les femmes. Développer des modes de garde dans la petite enfance, contribue à faire évoluer la société dans son ensemble et représente un « investissement » sur le long terme en faveur des citoyens de demain. En effet, la garde d’enfant permet de libérer les premières tâches parentales auxquelles les femmes sont très largement assignées ; c’est une solution dans la lutte contre la pauvreté, notamment chez les moins qualifiés, en créant les conditions de ne pas décrocher du marché du travail ; cela contribue à lutter contre l’échec et les inégalités scolaires. Les modes de garde collectifs et la préscolarisation favorisent, en effet, le développement des capacités cognitives. Les familles monoparentales, concentré d’inégalités entre les femmes et les hommes En 2020, l’INSEE recensait 25% de familles monoparentales en France, soit 2 millions de familles où les enfants résident avec un seul parent. Ce chiffre est en progression constante ces dernières années. Ces familles concentrent les inégalités pour une raison simple : les revenus diminuent fortement avec la perte d’un salaire et il est souvent difficile pour le parent seul de concilier la prise en charge et l’éducation des enfants avec le travail pour nourrir la famille. Les acteurs de terrain et les associations estiment que les enfants issus de familles monoparentales arrivent plus souvent le ventre vide à l’école. Il s’agit d’une problématique prégnante relevant des inégalités femmes-hommes puisque 82% des parents seuls sont des femmes, sans doute en partie à cause des rôles prétendument associés aux femmes que nous avons déjà décrit dans les premières parties. Ces familles monoparentales sont beaucoup plus sujettes à la pauvreté et à l’extrême pauvreté. Ainsi, 41% des enfants en famille monoparentale vivent en-dessous du seuil de pauvreté, contre 21% pour l’ensemble des enfants. Et là encore, les inégalités femmes-hommes persistent puisque les enfants avec une mère seule sont 45% à vivre en-dessous du seuil de pauvreté, contre 22% des enfants avec leur père seul. Effectivement, les pères seuls sont plus souvent propriétaires de leur logement, plus souvent en emploi et lorsqu’ils le sont, plus souvent cadres que les mères seules. Pour les femmes seules, la difficulté résulte donc à choisir entre avoir un emploi et être en capacité d’élever ses enfants. Les mères seules sont beaucoup plus souvent au chômage que les hommes, ont souvent des emplois précaires aux horaires contraints, les obligeant souvent à recourir au temps partiel subi, diminuant d’autant les revenus des familles. Il est donc particulièrement important de développer les modes de garde, comme nous le disions dans la section précédente et d’accompagner, soutenir et financer le milieu associatif et les tiers-lieux pour aider les familles monoparentales à obtenir le droit au répit familial, pendant quelques heures, histoire de pouvoir penser à autre chose et faire autre chose. Cette augmentation des familles monoparentales revête d’un phénomène récent : la multiplication des structures familiales en France avec un éclatement du modèle après-guerre (augmentation des divorces et naissances hors-mariages notamment) sur lequel a été construit le système de politiques familiales. Cet éclatement semble plutôt être une bonne chose illustrant une amélioration concrète de la situation des femmes françaises, qui pouvaient très difficilement divorcer et donc quitter une relation difficile dans les années 1960. Ces évolutions récentes demandent toutefois une remise à plat des allocations familiales afin d’aider en particulier les femmes seules qui sont dans des situations de précarité et plus souvent isolées. Les politiques publiques doivent ainsi permettre le maintien à l’emploi, crucial pour limiter la pauvreté, permettre à ces familles d’obtenir de façon prioritaire des places en crèche aux horaires élargis, réfléchir à des systèmes d’allocation permettant de les sortir de la pauvreté. Une culture de l’égalité dans la famille et à l’école La famille et l’école sont les deux premières instances de sociabilisation des individus ; en cela, elles sont deux lieux cruciaux de formation des stéréotypes de genre, croyances et attentes que nous pouvons avoir tout au long de notre vie. Dès le plus jeune âge, les enfants sont exposés à des messages subtils et parfois explicites de la part de leur famille concernant les rôles et les comportements « appropriés » pour les garçons et les filles. Les attentes et les comportements spécifiques sont ainsi perpétués à travers la manière dont on s’adresse aux enfants, mais aussi à travers les jouets, les vêtements, les activités et les responsabilités peuvent être différenciés en fonction du sexe. Les récompenses et les punitions pérennisent également des schémas de comportements basés sur les stéréotypes de genre. L’Ecole de la République, en tant que vecteur des normes et valeurs qui fondent notre société, se doit d’être exemplaire en matière d’éducation à l’égalité entre les femmes et les hommes. Pour cela, les enseignements doivent évidemment être exempts de toute discrimination, l’occupation de l’espace doit être repensée et les cours d’éducation à la vie sexuelle et affective approfondis, en se délestant des normes genrées. L’égalité professionnelle, un objectif atteignable ? La parentalité impacte plus durement la vie des femmes sur le développement de leur carrière, sur l’accès à la formation et sur le calcul de la retraite. Les « responsabilités familiales » ont des effets distincts selon le genre, en raison d’une organisation stéréotypée des fonctions sociales. L’ « intériorisation inconsciente » des clichés – le bon père de famille, sérieux et travailleur et la jeune mère émotionnellement fragile – est l’une des hypothèses pour expliquer ce phénomène. Le niveau social et le secteur d’activité sont aussi le reflet de l’écart constaté dans les taux du chômage. Les parentalités influent également sur la gestion du temps et amènent les femmes à réduire leur temps de travail, les mères ayant plus souvent recours au travail à temps partiel, d’autant plus lorsqu’elles élèvent leurs enfants seules. Là aussi le genre et le niveau d’études sont un facteur à prendre en compte. Tous ces facteurs sont également responsables des inégalités salariales qui se répercutent lors de la retraite où les femmes perçoivent des pensions 40% moins élevées en moyenne. De nombreux aspects des parentalités sont pris en compte par les dispositions du code du travail : congés maternité, parental d’éducation, pour garde d’enfant malade, protection de la femme enceinte… La régionalisation des aides introduit des inégalités territoriales. Tous ces dispositifs se heurtent à des difficultés organisationnelles liées aussi bien aux préjugés idéologiques qu’à la difficulté de mettre en synergie des contraintes antagonistes : aspirations des parents, exigences des entreprises, engagement de la dépense publique. Il convient donc de conjuguer esprit de synthèse et audace innovante, démarche qui nécessite information, proposition, débat et volonté d’action. Ainsi, voici les propositions que nous souhaitons porter dans le cadre de cette convention : Santé menstruelle Instaurer un congé menstruel pour les femmes souffrant de dysménorrhées ou d’endométriose, entièrement pris en charge par la Sécurité Sociale sur le même régime que celui des arrêts maladies classiques, sans délai de carence et après consultation auprès d’un médecin généraliste ou d’un gynécologue. Instaurer un congé fausse couche pour les femmes affectées par une interruption spontanée de grossesse, dont doit également pouvoir bénéficier le partenaire, afin qu'il puisse accompagner la femme qui subit ces traumatismes physiques et psychologiques. Intégrer l’endométriose dans la liste des affections de longue durée (ALD) exonérantes, dite ALD 30. Faciliter le recours au télétravail pour celles dont l'activité professionnelle est compatible avec l'exercice du télétravail, et à défaut proposer des mesures d'aménagement, d'adaptation ou de transformation des conditions de travail (poste de travail, temps et horaires de travail, évolution de carrière). Élargir l'Index de l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes à des critères plus qualitatifs sur les actions des entreprises pour créer un environnement de travail « bienveillant » à l'égard des femmes qui souffrent de pathologies menstruelles invalidantes, dont l’endométriose. Améliorer la formation des professionnels de la santé au travail sur les pathologies gynécologiques et obstétricales. Recruter massivement des gynécologues, sage-femmes et psychologues alors que de nombreuses femmes ont des difficultés à obtenir des rendez-vous dans des délais raisonnables et que les déserts médicaux sévissent particulièrement sur ces spécialités. Sensibiliser les managers, les responsables RH et les partenaires sociaux sur ces sujets afin de garantir un meilleur accompagnement des salariées. Investir massivement dans la recherche sur la santé des femmes pour améliorer l'accès aux soins et la qualité de la prise en charge. Congé maternité et modes de garde Sur le congé maternité et d’accueil : Aligner le congé paternité sur la durée du congé maternité post-natal avec maintien du salaire pour les deux S’assurer que toutes les femmes puissent bénéficier d’un congé maternité, quel que soit leur statut (indépendantes ou non) et leurs secteurs d’activités. Instaurer une flexibilité du congé maternité pour permettre aux femmes de choisir la durée et le moment qui conviennent le mieux à leur situation individuelle. Inciter les entreprises à favoriser un environnement propice à l'égalité et à la protection des droits des femmes tout au long de leur parcours professionnel. Il est essentiel de lutter contre les discriminations liées à la maternité sur le lieu de travail et de promouvoir une culture d'égalité et de respect. Ces mesures nécessitent une collaboration entre les gouvernements, les employeurs, les syndicats et les organisations de défense des droits des femmes. Sur les modes de garde : Créer un service public national d’accueil de la petite enfance pour garantir une égalité territoriale. Revaloriser les métiers de la petite enfance en matière de formation et de rémunérations pour rendre la filière plus attractive. Étendre les aides financières et solutions de modes de garde aux enfants jusqu’à 12 ans. Instaurer, comme dans le secteur du logement avec le 1% patronal, une contribution obligatoire des employeurs au financement de structures de modes de garde. Développer les modes de garde qui combinent l’accueil en mode collectif et individuel pour répondre aux besoins des métiers aux horaires atypiques (travail de nuit, du dimanche, temps partiels…) et y adosser un complément d’aide financière financé par l’Etat. Les familles monoparentales, concentré d’inégalités entre les femmes et les hommes 1. Prioriser pour les familles monoparentales l’accès aux places en crèche et les consultations pédiatriques à l’hôpital. 2. Proposer de façon prioritaire aux familles monoparentales des modes de garde aux horaires élargis afin de permettre le maintien à l’emploi et donc limiter la pauvreté de ces familles. 3. Repenser les politiques familiales qui semblent poursuivre des objectifs parfois ambivalents (universalité des aides VS ciblage sur les familles vulnérables) avec pour objectif de limiter au maximum la pauvreté que vivent en particulier les familles monoparentales. 4. Instaurer un petit-déjeuner à l’école, sur le modèle de ce qui est en passe d’être généralisé dans le 20ème arrondissement de Paris, afin de lutter contre la mal-nutrition et permettre à tous les enfants de réussir. 5. Financer et accompagner le milieu associatif et les tiers-lieux pour aider les familles monoparentales via le répit familial 6. Renforcer et faire connaître les services de Protection Maternelle et Infantile (PMI) qui permettent une médecine gratuite et un accompagnement crucial aux femmes enceintes et aux nouveaux-nés Instaurer une culture de l’égalité dès le plus jeune âge et tout au long de la scolarité Former les enseignants aux enjeux de la communication verbale, dénuée de toutes attentes liées au genre en termes de résultats scolaires mais aussi de comportement – remettre en œuvre l’ABCD de l’égalité (mis en place en 2013 par Najat Vallaud-Belkacem a fait l’objet d’une expérimentation dans 600 classes. Malgré les retours positifs du dispositif, il n’a jamais été généralisé) Repenser les cours de récréation qui révèlent la place « réservée » aux filles et aux garçons dans notre société, sur le modèle des cours oasis initiées par la Ville de Paris Penser les équipements sportifs pour favoriser la mixité des usages Sensibiliser les enfants et les parents sur les enjeux des stéréotypes de genre et lutter contre ceux-ci Lutter contre l’orientation genrée vers les filières et les métiers Mettre en place une éducation à la vie affective et sexuelle qui inclut la notion de consentement, de pornographie ou de violences sexuelles Impact de la parentalité sur la vie professionnelle 1. Tendre à une harmonisation des aides proposées dans tous les aspects liés à la parentalité 2. Entreprendre des campagnes massives d’information sur les droits existants dans les médias 3. Développer des incitations à la formation 4. Réduire les inégalités de pension de retraite en prenant en compte les temps d’interruption de carrière correspondant à la parentalité
Valérie Delestre a suivi cette page
nov 23, 2023 @ 15h12