Pour une politique publique des familles monoparentales

1/4 des enfants vivent avec un seul parent Les familles monoparentales représentent près d’un quart des familles. La monoparentalité n’est donc plus marginale et concerne très majoritairement les femmes (à plus de 80 %). Ainsi, 1 femme sur 3 fera l’expérience, dans sa vie, d’être seule « en charge » de son ou ses enfant(s). Quand on parle familles monoparentales, on pense tout de suite à la monoparentalité subie, le couple restant la norme de vie dominante. D’ailleurs, la monoparentalité constitue bien souvent une étape de vie : la plupart des parents seuls reforment un couple avant le départ des enfants du domicile familial (plus difficilement néanmoins pour les mères de familles monoparentales sans diplôme). Mais la monoparentalité peut être choisie et elle l’est aussi. Quelle qu’en soit la raison, c’est un fait social à intégrer. Très rares dans les années 70 (9,4 % des familles) et plutôt dans le haut de la hiérarchie sociale, les familles monoparentales sont de nos jours plus souvent le fait de femmes relativement peu diplômées donc plus « facilement » au chômage, avec des emplois souvent peu qualifiés. Choisi ou subi, ce mode de vie pose des difficultés d’organisation et entraîne une baisse notable de niveau de vie. La difficulté principale est d’ailleurs l’accès à l’emploi parce que la conciliation entre vie familiale et vie professionnelle est rendue beaucoup plus compliquée. La monoparentalité constitue l’une des premières causes de pauvreté Le niveau de vie moyen par personne au sein des familles monoparentales est inférieur d’un tiers à la moyenne des autres familles. Après prestations sociales, 19 % des familles monoparentales sont considérées comme pauvres (au seuil de pauvreté équivalent à 50 % du revenu médian), contre 7 % des couples avec enfants (données Insee 2018). Pour les personnes seules avec enfant qui n’ont pas d’emploi, ce taux monte à plus de 40 %. Les familles monoparentales sont donc plus pauvres que les autres : 1/3 des familles monoparentales vit sous le seuil de pauvreté. Seules les allocations familiales et les allocations logement évitent à une partie des familles monoparentales de vivre dans l’extrême dénuement. Ce sont ainsi 40,5 % des enfants élevés chez un parent isolé qui vivent en dessous du seuil de pauvreté. Mais là encore et ça n’étonnera personne (quoique…), la pauvreté monoparentale est aussi « genrée » : les enfants en famille monoparentale avec leur père sont moins souvent pauvres que ceux résidant avec leur mère (Insee focus n° 249 les familles en 2020). Les pères des familles monoparentales sont plus souvent propriétaires de leur logement, ils sont aussi nettement plus souvent en emploi et quand ils sont en emploi ils sont aussi plus souvent cadres. Mais les familles monoparentales n’intéressent pas les politiques publiques Les familles monoparentales sont un impensé politique. Pourtant elles ont bien interpelé le politique ces dernières années : les mères isolées étaient présentes sur les ronds-points, parmi les « gilets jaunes » qui étaient pour 45 % des femmes et des femmes des classes populaires, catégorie sociale traditionnellement peu mobilisée politiquement. Elles ont même témoigné de leur situation marquée par la précarité lors du « grand débat national » mais n’ont fait l’objet d’aucune mesure ciblée. De là à y voir une survivance, dans la mémoire et l’inconscient collectifs, de la mauvaise réputation et du rejet social des « filles-mères »… Pourtant ce sujet concerne des millions de personnes _ 2 millions de familles sur un total de 8 millions, 4 millions d’enfants mineurs _ et avec une conséquence majeure : l’appauvrissement. La question des conditions de vie des familles monoparentales est donc de fait une question sociale centrale. Mais les familles monoparentales n’intéressent pas les politiques publiques. Même la politique familiale, champ dont elles sont censées relever, n’a pas vraiment pris la mesure de cette évolution sociétale majeure. Il faut dire, qu’en dépit de ses évolutions, celle-ci repose toujours sur le modèle d’un homme qui travaille et qui prend en charge un foyer, avec une femme et des enfants. C’est tellement vrai que si une femme en charge seule de son ou ses enfants choisit de (re)vivre en couple, elle perd automatiquement l’allocation de soutien familial (si elle en bénéficiait). Le nouveau compagnon est donc censé contribuer à l’entretien du ou des enfants. C’est du moins ce qui est attendu de lui par la société. Et la mère, elle, est donc placée, de fait, dans une relation de dépendance financière envers son nouveau conjoint, pour l’éducation de son ou ses enfant(s). Or, une politique familiale qui laisse de côté 25 % des familles est une politique « out » et obsolète. Il faut donc faire évoluer les fondements de notre politique familiale pour qu’elle s’adapte à l’évolution des familles dans leur diversité. Il s’agit non seulement d’un enjeu social mais également d’un enjeu de valeurs. La politique familiale en lien avec la maîtrise du corps des femmes est un axe privilégié de l’offensive réactionnaire des populistes, y compris en Europe : remise en cause du droit à l’IVG, du droit aux divorces des femmes mères d’enfant(s) mineur(s)… Chez nous, la « réforme des retraites » a vu refleurir la demande d’une politique nataliste du côté du RN bien évidemment, chez les LR, mais pas que… au modem aussi. Même Ségolène Royal s’y est adonnée ! Notons d’ailleurs, au passage, que la casse du système des retraites opérée par le gouvernement est particulièrement sexiste, puisque l’augmentation de la durée d’activité sera deux fois plus importante pour les femmes nées à partir de 1972 que pour les hommes (notamment du fait des carrières hachées qui marquent le travail des femmes). La refonte de la politique familiale est donc doublement nécessaire mais elle n’est pas suffisante. Le spectre des mesures à couvrir est large et se déploie dans tous les champs ministériels ou presque : - Refonte de la politique fiscale - Aides ciblées (rien en dehors de l’allocation de soutien familial destinée à l’éducation des enfants pour les familles monoparentales les plus précaires dont d’ailleurs un parent isolé éligible sur deux ne la réclamerait pas) - Accès au logement et logement adapté (par exemple habitat partagé avec des services mutualisés) - Accessibilité des transports en commun, aide à la « mobilité verte » - Gardes d’enfant adaptée (crèches à horaires atypiques) - Politique de formation et d’accès à l’emploi - Réseau de soutien à la parentalité (…) Il faut donc sortir les familles monoparentales de la marginalité politique et construire des politiques publiques sectorielles convergentes. Comment ? En refusant la verticalité : nous souffrons trop actuellement d’un gouvernement qui nous assène ses politiques d’en haut, pour se comporter de la même manière avec des propositions toutes faites. Personne ne sait mieux que les familles monoparentales elles-mêmes leurs propres besoins. Proposons donc un objectif : faire des familles monoparentales un axe majeur de notre nouveau projet de société. Le but de cette contribution n’est pas d’établir une liste à la Prévert de mesures toutes faites en direction des familles monoparentales, mais de convaincre à la fois de la nécessité de construire une politique publique globale en faveur des familles monoparentales à travers un plan quinquennal dédié et de plaider pour un changement de méthode et une démarche de réelle co-construction de cette politique publique avec les premières concernées, à savoir les familles monoparentales elles-mêmes. Pour lutter contre les inégalités femmes / hommes et retrouver les classes populaires, construisons un plan quinquennal en faveur des familles monoparentales ! Sonia Zamai Section Aulne-Presqu’île PS29

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