Contribution PS 12ème Philippe Farine - Pour une véritable politique d’asile de l’Union européenne

Nous, militant.e.s socialistes, profondément internationalistes, aspirons à une Europe accueillante et plus fraternelle. Une priorité – l’obligation d’assistance à personnes en danger en Méditerranée Le naufrage du chalutier au large des côtes du Péloponnèse, le 14 juin 2023, sera à n’en pas douter, la pire catastrophe de l’histoire des routes migratoires vers l’Europe, ajoutant probablement quelque 500 disparus à la macabre litanie du recensement des naufrages de migrants. La Méditerranée, espace d’échange entre civilisations, est devenu le cimetière des migrants. Quelle que soit la future politique européenne migratoire, « l’obligation de porter secours à toute personne en danger de perdre la vie en mer » est dictée par le Droit de la Mer. L’Union Européenne doit mettre en œuvre tous ses moyens propres et ceux des Etats membres pour respecter cette obligation impérative et sauver les migrants en péril lors de leur traversée de la Méditerranée. L’Union Européenne doit être le garant de l’application du droit maritime international. L’abandon des missions de sauvetage par l’organisme européen Frontex, les entraves administratives et réglementaires à l’action des ONG de sauvetage, sont des actes de nature criminelle. Au contraire l’Europe doit retrouver l’esprit de l’opération Mare Nostrum de 2013 tout en menant une lutte implacable contre les passeurs qui affrètent les rafiots et y entassent hommes, femmes et enfants. Il ne sert à rien de miser sur les difficultés du parcours pour dissuader les migrants d’entreprendre leur exil. L’histoire montre qu’ils sont déterminés à réaliser leur rêve d’une vie meilleure, s’il le faut au péril de leur vie. Décharger le filière de l’asile en créant des voies légales de migrations La demande d’asile est devenue la seule porte d’entrée pour l’immigration « irrégulière » en Europe, c’est à dire pour tous ceux qui ne disposent pas de titre de séjour valide. Parmi eux, nombreux sont ceux qui pourraient faire valoir leur droit à séjourner en Europe pour d’autres raisons que l’obtention d’un titre de réfugié statutaire, mais ils sont contraints d’emprunter la filière Asile. Il en résulte une surcharge des services d’examen de la demande d’asile, une longue attente des migrants et un taux de reconnaissance du statut de réfugié d’environ 50 %. Pour « désengorger » la filière asile il faut mettre en œuvre toutes les possibilités de voies légales d’accès au territoire, ce qui aura également pour effet de réduire les prises de risques inconsidérés des migrants pour accéder à l’espace européen. Parmi celles-ci, on peut citer : ● Le visa humanitaire européen en discussion au Parlement européen depuis de nombreuses années constituerait une procédure d’entrée protégée pour nombre de migrants.. ● La réinstallation, procédure gérée par le Haut Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés (HCR), consiste à transférer des migrants d’un pays où ils se sont réfugiés dans un premier temps, vers un Etat de l’Union où il seront pris en charge, en bénéficiant de la protection internationale du fait de l’examen de leur situation préalablement réalisée par le HCR. Ce transfert bénéficie d’une procédure légale d’entrée sur le territoire européen. ● L’ouverture progressive et contrôlée de l’immigration de travail est un moyen puissant de désengorger de la filière asile. Elle est pratiquée régulièrement par l’Allemagne et correspond à des besoins de main-d'œuvre active pour de nombreux pays de l’Union. C’est un tabou particulièrement en France qu’il faudra bien finir par lever pour équilibrer les besoins économiques des pays de l’Union et les opportunités offertes par une population jeune et dynamique étrangère. Le projet de Pacte Européen sur la Migration et l’asile, une occasion manquée L'annonce du projet de Pacte Européen sur la Migration et l'Asile, par la Commission Européenne le 23 septembre 2020, résulte du constat que l'Union Européenne n'a pas su ou pu mettre en œuvre une politique européenne commune migratoire au sens où l'on entend une politique partagée par l'ensemble des membres d'une communauté, basée sur la solidarité afin que chaque membre apporte sa contribution et partage équitablement la prise en charge des migrants. Ursula Van Der Leyen, présidente de la commission européenne, a proposé de travailler sur une réforme européenne du droit d’asile, avec des mots qui sonnaient juste : « partage équitable des responsabilités », « veiller à ce que tous les États membres contribuent à cette solidarité ». Malheureusement le projet de Pacte européen actuellement entre les mains du ‘’Trilogue’’ des instances européennes, ne respecte en rien la promesse de la Présidente de la Commission Européenne. Il n’est plus question d’harmonisation des procédures qui devait permettre de stopper l’errance des demandeurs d’asile à la recherche du pays le plus « ouvert ». La règle principale du Règlement Dublin est maintenue, elle donne au pays de l’Union qui a enregistré l’arrivée du migrant sur le sol européen, la responsabilité de l’examen et du traitement de la demande d’asile. L’idée du Pacte, au départ, était de créer une solidarité entre Etats européens offrant la possibilité aux migrants d’être accueillis dans les différents pays de l’Union Européenne et non plus dans le premier pays d’accueil, avec une répartition en fonction de critères, le temps que leur situation soit étudiée. Ce changement majeur, qui instituait une solidarité de principe entre Etats est abandonné au profit d’un système bancal de contribution volontaire et non plus obligatoire des Etats. Les pays qui refusent d’accueillir des migrants dans le cadre de la relocalisation seront contraints de verser une contribution financière. C’est une monétarisation de la solidarité ! Nous voulons la création d’un mécanisme obligatoire de répartition des demandeurs d’asile à travers l’Union européenne. L’asile à la frontière : un tri préalable arbitraire et une procédure qui ne garantit pas les droits des demandeurs d’asile Les procédures de filtrage et d’asile des migrants, telles que définies dans le projet de pacte européen, sont incompatibles avec les exigences d’examen individuel, de préparation psychologique, d’assistance juridique et de sérénité que requièrent des examens déterminants et décisifs pour l’avenir et l’existence même des migrants qui sollicitent la protection internationale de nos démocraties. Ces procédures ne permettent pas non plus d’examiner avec pertinence et rigueur, les demandes d 'accès à un territoire où certains migrants pourront trouver assistance et soins, leur permettant de continuer à vivre dignement comme tout être humain est en droit de le revendiquer. Si ce pacte est adopté en l’état, cela sera une véritable régression dans l’accueil des réfugiés. Nous réaffirmons que l’examen des demandes d’asile doit être effectué de manière individuelle, car chaque situation, chaque vécu sont différents. Deux individus du même pays n’auront pas forcément une situation comparable. Cette mesure du Pacte est contraire au principe de non-discrimination des réfugiés, garanti par la Convention de Genève. Elle n’a qu’un seul objectif : faire passer en procédure accélérée 80% des migrants. Il faut également harmoniser les conditions d’accueil et les procédures d’accueil au sein de l’Union Européenne. Nous sommes dans une ère profondément répressive en matière de politique migratoire. Nous voulons que les vulnérabilités soient mieux prises en considération. Un migrant qui a fui son pays, parfois la guerre, qui a mis sa vie en danger pour venir en Europe est souvent traumatisé. Les enfermer dans des centres de rétention n’est pas digne de l’idée que nous nous faisons de l’Union Européenne. On les prive de liberté de manière arbitraire, parfois avant de les renvoyer dans leur pays d’origine. Cette vision inhumaine est inacceptable. Nous voulons une Europe respectueuse des Droits de l’Homme. Nous voulons une Europe de la solidarité non monnayable. Nous souhaitons que l’Europe se dote d’une politique commune équitable et généreuse d’examen individuel de droit d’asile de tous les migrants qui souhaitent intégrer l’espace européen. Le projet de Pacte européen tel qu’il se présente à l’examen des trois instances européennes pour une adoption avant la prochaine échéance électorale du Parlement, n’est en rien conforme à ces exigences. Il reste peu de temps et peu d’espace pour en modifier le cours. Notre parti doit dire haut et fort son opposition à ce projet et poser les principes qui doivent guider une politique d’asile, comme nous y engagent les traités dont la France est signataire.

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