L’endométriose une cause nationale pour arrêter d’invisibiliser la douleur des femmes

Contribution Section 12 Philippe Farine L’endométriose : Une cause nationale pour arrêter d’invisibiliser la douleur des femmes L’endométriose, une maladie encore trop peu connue : L’affabulation et l’hyper-irritabilité face à la douleur sont encore souvent associées au sexe féminin de façon congénitale et caricaturale. La science a pourtant prouvé le contraire mais les stéréotypes demeurent. Cela a une influence considérable sur le traitement des maladies et des organes génitaux féminins, particulièrement préjudiciable à la santé des femmes. À cette minimisation ou négation de la douleur, qui peut aller jusqu’au refus de soin, s’ajoute une méconnaissance de maladies hautement invalidantes comme le vaginisme, la névralgie pudendale ou encore l’endométriose. Cette maladie touche aujourd’hui 1 personne menstruée sur 10 soit 2,5 millions de personnes en France. Très éprouvante, elle complique la scolarité des adolescentes puis la vie professionnelle des femmes. Grâce aux associations, l’endométriose commence à s’imposer depuis quelques années comme un enjeu de santé publique. Les discours médiatiques, associatifs et institutionnels ont toutefois jusqu’à récemment surtout insisté sur l’infertilité. Mais la « cause » des femmes doit ici être entendue au-delà de cette seule perspective : aucune personne touchée ne doit plus rester invisibiliser et sans soins, en souffrance physique ou morale, parce qu’elle n’a pas de projet de grossesse. Les médecins généralistes et gynécologues de villes, acteurs clés pour une prise en charge de première intention et/ou une orientation vers des équipes dédiées, ne sont par ailleurs pas formés, ce qui retarde les diagnostics et l’entrée dans le parcours de soins. Le premier diplôme inter-universitaire dédié à l’endométriose n’a vu le jour qu’en 2019. Les troubles liés à cette maladie chronique sont ensuite lourds de conséquences pour le travail et la carrière des personnes concernées. Selon l’enquête EndoVie, menée par Ipsos en collaboration avec l’association EndoFrance et le laboratoire Gedeon Richter en 2020, 65 % des femmes actives atteintes d’endométriose déclarent que la maladie a un impact négatif important sur leur bien- être au travail. Ces douleurs sont particulièrement aiguës pendant les règles, mais peuvent survenir n’importe quand. 64 % des femmes interrogées disent avoir parlé de leur endométriose à leur direction, le plus souvent après une absence prolongée ou des arrêts fréquents. Dans 25 % des cas, la direction s’est montrée compréhensive et a proposé des aménagements d’horaires ou de poste. Mais dans 12 % des cas, elle a réagi négativement en tenant des propos inadaptés ou malveillants. Enfin, 8 % affirment que leur direction a pris des décisions négatives affectant leur poste. Une personne atteinte d'endométriose peut demander une reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH). L'endométriose est une maladie qui peut aussi entrer dans le cadre d'une Affection Longue Durée (ALD) dite 31, ce qui donne droit à une prise en charge de certains frais médicaux. Pour y avoir droit, la personne concernée doit être atteinte d'une endométriose sévère qui nécessite un traitement de plus de 6 mois. Cela signifie surtout que c’est à la libre appréciation du médecin conseil et de l’Assurance Maladie d’accorder ou non cette ALD. A l’évidence, les critères actuels fonctionnent comme des « plafonds de verre » avec des seuils de douleur féminine légitime et d’inégalités de santé acceptables qui n’ont pas été revus depuis longtemps. Pour toutes ces raisons, il est indispensable de déployer de nouvelles mesures et politiques publiques qui permettront de s’emparer, de façon transversale et coordonnée, de tous les enjeux liés à l’endométriose. Sans doute parce que les mots n’ont pas encore été suivis d’effets à la hauteur du défi, beaucoup ont dû oublier que le président de la République, Emmanuel Macron, avait annoncé le 11 janvier 2022 le lancement d’une Stratégie nationale de lutte contre l’endométriose. L’enjeu n°1 : Faire connaître et sensibiliser le grand public à l’endométriose • Favoriser et routiniser le remplacement de la terminologie « femme » par « personne menstruée » pour inclure les personnes transgenres dans le périmètre de toute nouvelle politique publique de santé ou de recherche sur l’endométriose. • Mettre en place une meilleure formation initiale et continue des médecins, infirmiers, psycologues, sage-femme, etc. (les médecins généralistes, les gynécologues de ville mais aussi les pédiatres recevant encore des adolescentes, les médecins du travail qui peuvent être des alliés pour obtenir des aménagements de poste, mais également les radiologues et échographes pour améliorer la fiabilité des examens d’imagerie diagnostique). • Introduire dans les programmes scolaires (sur les horaires de SVT et d’éducation à la sexualité) une sensibilisation aux maladies gynécologiques hautement invalidantes comme l’endométriose. • Doter les infirmeries des collèges, lycées et universités de publications en accès libre à la consultation (flyers associatifs, romans graphiques comme « L'endométriose de Clara » publié en 2022 chez Dunod). • Organiser des journées de sensibilisation dans toutes les entreprises et administrations afin d’informer sur les mécanismes de la maladie, les symptômes et le handicap qui en résulte. • Augmenter massivement les financements de la recherche publique sur l’endométriose (données épidémiologiques ; recherche clinique et fondamentale). Accélérer l’insertion des chercheurs français dans les alliances de recherche européennes et internationales sur le sujet. L’enjeu n°2 : La prise en charge de toutes les personnes menstruées • Construire sur tout le territoire national des filières de dépistage et de soins permettant de faciliter les parcours de prise en charge nécessitant l’intervention d’équipes médicales pluridisciplinaires (gynécologue, urologue, gastro-entérologue, pneumologue, radiologue, algologue, etc...). Dans ces parcours, garantir systématiquement la présence d’un assistant.e social.e pour faciliter les démarches et les demandes d’aides. • Labelliser des centres experts dédiés à l’endométriose par les ARS ; y inclure des consultations anti douleurs spécifiques pour la prise en charge de la douleur chronique. • Inscrire rapidement l’endométriose sur la liste des Affection Longue Durée (ALD 30) • Permettre et rembourser l’accès aux thérapies douces et complémentaires (ostéopathie, yoga, relaxation, acupuncture, kinésithérapie viscérale, sophrologie, hypnose, alimentation anti- inflammatoire, cures thermales) qui sont préconisées par les médecins et prendre en charge l’ensemble des examens nécessaires au suivi de la maladie (IRM, échographie pelvienne, etc) L’enjeu n°3 : Permettre aux personnes atteintes d’endométriose d’alléger leur quotidien professionnels • Mettre en place le congés menstruel pour toutes les personnes menstruées qui souffrent chaque jour / mois. • Permettre aux femmes de s'absenter du travail en cas de règles douloureuses, sans perte de salaire ni jours de carence.

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