L’Europe, terre d’asile

Dans un siècle en proie aux guerres, aux autoritarismes et aux fanatismes, le droit l’asile est mis en cause par le défi migratoire et pris sous le feu de critiques, récurrentes, tant constructives que pour mieux le bafouer. Les images de centres de détention surchargés, les chiffres des migrants morts en mer ou encore les difficultés pour accéder au statut de réfugiés interpellent les militants de gauche que nous sommes et plus globalement l’ensemble des humanistes européens. L’asile est le droit fondamental accordé aux personnes fuyant leur pays d'origine en raison de conflits armés, de persécutions ou de violations graves des droits humains. Le demandeur d’asile cherche un refuge et à ce titre est reconnu comme « réfugié » selon la dénomination reconnue par les conventions internationales (en premier lieu la convention de Genève de 1951). L’asile est droit et donc un dû à celle et celui qui apporte la preuve que ses craintes sont fondées par une persécution, qu’elle soit basée sur sa religion, sa nationalité, son sexe, son genre, son orientation sexuelle, son appartenance à un certains groupes sociaux ou encore ses opinions politiques. Il est temps pour l’Union européenne de mettre en place une approche solidaire, commune et respectueuse des droits humains pour faire face à cette situation. Une réforme d’ampleur du droit d’asile s’impose. Les liens familiaux doivent être reconnus et le regroupement familial facilité afin d’éviter une souffrance humaine et des ruptures familiales injustes. Aujourd’hui, il n’est pas tenu compte des liens familiaux et sociaux des demandeurs d'asile dans d'autres pays de l’UE. Les normes nationales d’asile, telles que les critères d'éligibilité, les conditions d'accueil et les procédures d'asile doivent être harmonisées afin de garantir une protection équitable et cohérente pour tous les demandeurs d'asile en Europe. Il faut ainsi mettre fin au règlement de Dublin III et renégocier le Pacte Asile et Immigration. Les responsabilités des Etats européens doivent être équitablement réparties et équitablement financées. Aujourd’hui, certains États du Sud de l’Europe (Grèce, Italie, Espagne…), situés en première ligne, assument l’essentiel des demandes d’asile pour l’ensemble du continent européen, suivant le principe en vigueur depuis 1997 et plusieurs fois réformé, selon lequel le premier pays d'entrée dans l'UE est responsable de l'examen d'une demande d’asile. Une répartition équitable des responsabilités en matière d'asile, basée sur des critères tels que la capacité d'accueil, la population et l'économie de chaque pays, est nécessaire. Cette répartition équitable doit pour être pleinement effective et juste, être assortie d’une harmonisation des critères et délais de traitement des dossiers ainsi que d’un soutien financier proportionnel et adapté destiné à chaque pays hôte par l’Union européenne. L’agence européenne pour l’asile, nouvellement créée, doit être capable de répondre rapidement, sur la base de ces critères communs, aux demandes d’asile, doit être mise sur pied. Des voies d’accès légales et une réinstallation facilitée. Les réfugiés qui tentent de rejoindre l'Europe entreprennent souvent des voyages au péril de leur vie : lors des trois premiers mois de 2023, 441 personnes ont perdu la vie en Méditerranée centrale. Il faut dissuader les trajets périlleux et le recours aux passeurs. Pour cela, l’Europe doit s’engager pour un accès à la fois légal et sécurisé au territoire et doit favoriser la réinstallation. Il est nécessaire d'établir des programmes de réinstallation. Cette procédure consiste à transférer des réfugiés vulnérables depuis leur premier pays d’asile vers un État tiers afin de soulager la pression sur ces premiers et d’offrir de meilleures opportunités de vie pour les migrants ayant besoin d'une protection internationale. Non aux accords de maintien à distance des exilés avec des ennemis des droits de l’Homme. La stratégie de coopération de l’UE avec différents pays comme le Soudan, la Turquie, le Mali, le Niger, la Libye ou le Sénégal pour y renvoyer les réfugiés qui arrivent en Europe est en bute avec le non-respect, par ces derniers, des conditions d’accueil digne et par conséquent des droits humains. Il est indigne et irresponsable d’exporter le contrôle des migrations et l’accueil des réfugiés pour le compte des Etats européens, alors que des atteintes aux droits des personnes ont été caractérisées et que cette dépendance fausse les rapports diplomatiques avec ces pays. Les conventions liant l’Europe à des pays tiers pour le traitement des demandes d’asile doivent ainsi être conditionnées au respect des droits humains et être révoquées le cas échéant. L’agence Frontex, au service du sauvetage en mer. L’agence Frontex, créée en 2004 pour le contrôle des migrations, exerce désormais un rôle de gestion des frontières, de lutte contre la criminalité transfrontalière et de sauveteur maritime. Sa militarisation est grandissante et contrevient à son esprit initial. Le mandat de l’agence doit prioritairement être le sauvetage en mer. De plus, les compétences de l’agence appellent à une exemplarité en matière de transparence et de respect des droits humains. La formation des agents, la supervision et le contrôle indépendants de ses activités ainsi qu’une communication claire et accessible sont ainsi nécessaires, permettant de mettre en lumière et d’investiguer les potentiels manquements au droit international. L’expertise des institutions et organisations internationales est en ce sens une ressource précieuse pour accompagner l’agence dans ses missions et une coopération renforcée avec ces dernières pour faciliter et améliorer le sauvetage et l’assistance des personnes en quête d’asile. Alors que la réglementation du droit d’asile et son application montrent leurs limites face aux enjeux migratoires en cours, les discours xénophobes, qui puisent dans le sentiment de repli sur soi et de rejet de l’autre, n’ont jamais été aussi prégnants dans le débat public : décivilisation, grand remplacement, « guichet-France »… L’exil n’est jamais un choix de confort. La bataille culturelle et par-là institutionnelle qui se joue au sein des États et de l’Union européenne est pour la gauche un défi à relever, alors que celle-ci dans son ensemble s’accorde pour améliorer les conditions d’accueil des réfugiés en Europe, tout en garantissant la sécurité des peuples européens.

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