Pour l'avancée de l'Union européenne par la défense européenne

Depuis l'échec de la Communauté européenne de défense (CED) rejetée par le Parlement français en 1954, le sujet a été mis en sommeil. Le concept de fédération d'états-nations a permis, sur cet aspect comme sur d'autres, de poursuivre la construction de l'Union européenne en conservant à chaque État son indépendance militaire tout en se sentant protégé par les USA en cas de difficulté. La souveraineté monétaire a été transférée mais pas la souveraineté en matière de politique étrangère et de défense.

Mis à part la Déclaration de Saint-Malo de 1998 (Blair-Chirac), bien modeste au demeurant, et la Déclaration émise à l'occasion du Traité de Nice en 2001, il y a eu peu d'avancées. La PSDC (Politique de sécurité et de défense commune) reste embryonnaire, alors même que les coopérations bilatérales progressent (France-Grèce : accord de partenariat stratégique, France Italie : Traité du Quirinal, les deux signés et ratifiés en 2021).

Or, au cours des années récentes, plusieurs éléments nouveaux sont venus rendre cet équilibre plus instable, moins satisfaisant, voire plus risqué.

D'abord l'intégration économique et monétaire toujours plus profonde amène à définir des politiques de défense certes non militaires - quoique ? - plus vigilantes et liées au développement du poids économique et technologique de pays importants (Chine, Brésil, Inde…) en concurrence avec l'Union européenne.

La Commission européenne se préoccupe désormais aussi de coordonner les industries nationales d'armement, notamment en impulsant des projets communs soutenus financièrement, comme pour la production de drones. La crise sanitaire a souligné l'importance d'une forme de souveraineté industrielle de l'UE. Mentionnons également la souveraineté alimentaire et l'indépendance énergétique. En parallèle la pression migratoire externe a conduit les pays de l'Union à se coordonner et à définir les frontières de l'UE, donc à se poser la question de la gestion desdites frontières. Ils ont également évolué dans leurs relations avec les pays d'origine des migrants.

Plus globalement l'évolution du multilatéralisme issu de la fin de la Guerre froide, puis sa remise en cause, dans ses équilibres et ses principes directeurs, par des pays aussi importants que la Chine ou la Russie, de pair avec la réorientation vers le Pacifique des priorités de politique étrangère des USA, ont conduit les pays de l'UE, voire de l'ensemble de l'Europe, à se préoccuper sérieusement des moyens militaires d'une forme de défense autonome. La lutte contre le terrorisme, notamment djihadiste, a permis d'accentuer et de rendre plus performante la coordination du renseignement entre États démocratiques occidentaux. La transition écologique, planétaire par nature, aiguise les rapports de forces entre grands États et entre blocs.

Enfin, plus récemment, l'annexion de la Crimée en 2014 puis l'agression guerrière de la Russie contre l'Ukraine en février 2022 ont accéléré la prise de conscience des Européens que la question de la défense de l'UE était posée.

Nous devons donc y répondre par la poursuite de la construction européenne par un approfondissement de la défense européenne. Cet approfondissement doit se faire en accord avec le positionnement constant des Socialistes en matière de politique étrangère : (1) l’attachement au multilatéralisme, (2) la construction européenne par la démocratie et (3) la nécessaire construction de la citoyenneté européenne.

 

  • La défense du multilatéralisme dans la défense du continent européen

 

La guerre déclenchée par Vladimir Poutine en Ukraine a rappelé la nécessité de défendre la souveraineté des États européens, notamment à la frontière orientale de l’Union.

Au même moment et en réaction, a été constituée, sous l'impulsion de la France, une Communauté politique européenne (CPE) regroupant 47 pays. Ce dispositif nouveau peut servir en particulier à clarifier les intérêts militaires communs aux États membres et à coordonner à la fois leurs politiques étrangères et leur gestion des armements.

Cet organe, hors traités, ne peut néanmoins pas se substituer à l'UE, qu'il englobe pourtant, et doit aussi se situer par rapport à l'OTAN dont sont membres la plupart de ces pays.

La seule entité organisée en Europe capable de porter concrètement une politique de défense collective reste l'Union européenne.

La Grande Bretagne, puissance nucléaire membre du Conseil de sécurité de l'ONU, doit cependant être, malgré le Brexit, un partenaire privilégié.

Les dispositifs existants, généralement bilatéraux, entre la France et l'Allemagne, entre la France et la Grande Bretagne etc, doivent être consolidés et coordonnés au niveau de l'Union.

  • S’il est nécessaire, dans l’actualité, de travailler à la convergence et complémentarité entre l’OTAN et l’UE, notre horizon doit passer par une organisation adhoc continentale européenne alliant les acquis à la fois des coopérations politiques, militaires et d’industrie de défense des États européens. Pour cela, la Communauté politique européenne pose un premier jalon mais reste insuffisant.

 

  • La continuation de la démocratisation des instances de l’Union européenne en matière de défense de notre continent

 

L'Union européenne a le mérite d'avoir une Histoire commune assez longue et de reposer sur des traités cohérents. Elle se réfère à un corpus de valeurs communes, comme l'attachement à la démocratie, qui reste fondamentale y compris en matière de relations civilo-militaires, et à un certain nombre de principes fondamentaux.

Dotée d'un Parlement, d'un Conseil (des États) et d'une Commission (exécutive) elle est en situation de pouvoir définir les enjeux, voies et moyens d'une politique étrangère commune. Ce travail est d'ailleurs commencé. Il nécessite d'être approfondi et actualisé dans le contexte géopolitique du moment.

En clair on attend des institutions de l'UE qu'elles répondent aux questions : qu'est-ce qu'on défend et quelles sont les menaces ? L'actualité à l'est de l'Europe et autour du Pacifique rend cet exercice plus simple que par le passé.

La création de Frontex, premier corps en uniforme et avec une direction opérationnelle centralisée de l’Union européenne, peut inspirer autant dans ses réussites institutionnelles que ses échecs opérationnels un tel travail pour mettre à disposition des Européens un corps de défense continental.

La constitution d'une armée européenne sous commandement unique prendra sans doute un peu de temps.

Le processus de convergence et de coordination vers une intégration progressive, utilisé le plus souvent par l'UE dans d'autres domaines, est inévitable. Il est d'ailleurs entamé et il doit donc connaître une accélération.

Au service de convergences stratégiques et constitué de "morceaux" des armées nationales, le corps militaire commun ne dépossèdera pas les États de leur autonomie/indépendance mais il permettra des interventions à la fois en défense de l'UE et au service des décisions de l'ONU pour le maintien de la paix. Le mécanisme européen des sanctions a prouvé sa force dans l’entrave aux capacités de nuisance russes contre l’Ukraine.

Reste en suspens la question de la gestion de l'arme nucléaire française. Jusqu'à nouvel ordre, et probablement pour encore longtemps, le commandement de cette arme ultime ne peut que rester à la main du Président de la République française. Un processus de décision collective européen paraît assez inadapté à l'usage de ce type d'armement. Mais, puisque son rôle est de protéger les intérêts vitaux de la France, et puisque ces intérêts vitaux se confondent très largement avec ceux de l'Union, la question est moins cruciale qu'il n'y paraît.

  • La conception de notre défense européenne doit donc continuer l’approfondissement de la démocratisation de l’Union européenne, notamment en créant une instance permanente réunissant les ministres européens de la défense et en créant des mécanismes de décision à la majorité qualifiée dans le domaine de la défense. Il faut exprimer explicitement que le parapluie nucléaire français couvre les intérêts fondamentaux de nos alliés européens

 

  • La construction de la vie européenne, notamment via la vie économique des États-membre

 

L’accueil des réfugiés ukrainiens a démontré la place pour un soutien populaire et sincère à destination des citoyens d’Europe orientale.

Avec la facilité européenne pour la paix qui a permis de débloquer une aide à l’État ukrainien pour se défendre, le programme « Act to Support Ammunition Production » (ASAP) de la Commission européenne et les projets en cours d’élaboration pour la défense anti-missile européenne, il existe un terreau favorable à la diffusion de la nécessité d’un approfondissement européen par notre défense collective. Le Parti socialiste doit soutenir pleinement le choix de l’Europe dans le développement de la base industrielle et technologique de défense française.

 

  • Dans une perspective humaniste et lucide face à menaces venues d’États autoritaires agressifs, l’approfondissement de la défense européenne contribuera aussi au nécessaire attachement populaire à l’Union européenne.

 

Ces axes de progrès posent naturellement, à nouveau, la question du fédéralisme.

À partir du constat que les États séparément ne sont pas capables d'assurer leur propre défense, qu'une simple coordination interétatique n'est pas suffisante et que, dès lors, une intégration plus forte est nécessaire et souhaitable, il faut s'assurer que l'exercice de cette nouvelle compétence transférée se déroule dans le respect de chacun selon un processus démocratique irréprochable. C'est le rôle du Parlement européen que d'y veiller. Les traités devront être clairs à cet égard.

PARTI SOCIALISTE, CONVENTION "EUROPE"
CONTRIBUTION de la Fédération de l’Allier (03)

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