L'hébergement d'urgence (Stéphane Troussel, président du conseil départemental de Seine-Saint-Denis

"La précarité et l’exclusion sociale explosent. Actuellement, le logement en France craque de toutes parts. La saturation des services d’hébergement d’urgence se révèle en être l’une des manifestations les plus dramatiques. En Ile-de-France, les plateformes d’appels du 115 sont submergées, si bien que même les publics les plus fragiles, ordinairement prioritaires, ne peuvent plus être pris en charge.

Cette situation est intenable, avec un problème structurel : les disparités territoriales en matière de places d’hébergement sont énormes et injustifiables. Dans notre pays, onze départements concentrent 80 % de l’offre de nuitées hôtelières pour sans-abris, les trois-quarts se trouvant en Ile-de-France. Et la ville de Paris et la Seine-Saint-Denis concentrent à elles seules 69 % de l’offre d’hébergement d’urgence en Ile-de-France. Or l’hébergement d’urgence détermine l’ancrage à venir de ces populations vulnérables. Naturellement, les personnes hébergées souhaitent s’implanter sur leur territoire d’accueil. La pression exercée sur la demande de logement et l’ensemble des services publics en Seine-Saint-Denis n’en est que plus conséquente et la spécialisation sociale de notre territoire s’accroît. Cette logique de concentration de la pauvreté n’est bonne ni pour les personnes sans-abri, qui ne peuvent bénéficier d’un accompagnement à la hauteur de leurs besoins avec des services sociaux débordés, ni pour a mixité sociale qui est une richesse pour tous et toutes.

Cumuler des difficultés socio-économiques sur quelques territoires n’a aucune efficacité. Il y a donc urgence à réinstaurer de la solidarité nationale. En prend-t-on le chemin ? Le gouvernement se contente d’annoncer au niveau national un gel du nombre de places d’hébergement, ce qui demeure très préoccupant compte tenu de l’explosion des besoins. Alors que nous sommes en période hivernale, il est impératif d’inverser rapidement ce mouvement en rétablissant ces places avec une répartition équitable sur le territoire francilien. Dans la région la plus riche de France, il serait invraisemblable qu’une offre d’hébergement d’urgence digne et équilibrée ne puisse pas voir le jour.

Mais à plus long terme, je crains que nous ne puissions compter sur un alignement peu probable des bonnes volontés pour remettre de la solidarité entre les territoires. C’est pourquoi je plaide fortement pour l’adoption d’une loi de l’hébergement d’urgence. Elle permettrait de sanctionner les territoires les plus réfractaires qui sont en-dessous d’un quota à définir de places en hébergement d’urgence.

La puissance publique doit revenir au centre du jeu. Au même titre que l’éducation et la santé, l’accès au logement fait partie de ces biens et services si essentiels à la vie qu’ils doivent être sortis d’une logique purement marchande et spéculative. Plus que jamais résonnent ces mots de l’Abbé Pierre prononcés il y maintenant près de 70 ans : « gouverner, c’est d’abord loger son peuple »".

Extraits d'une tribune de Stéphane Troussel, président socialiste du conseil départemental de la Seine-Saint-Denis, dans le quotidien La Croix, 22/12/2023

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