L’UE, outil pour lier et améliorer notre agriculture, notre alimentation et notre environnement

Inflation alimentaire : la nouvelle donne A l’échelle européenne, l’inflation alimentaire approche les 20% depuis l’invasion de l’Ukraine. Cette situation est inédite depuis la deuxième guerre mondiale. Les leviers classiques de la politique monétaire auront au mieux un effet faible sur ce phénomène, mais l’élévation des taux d’intérêt risque au contraire de provoquer une récession par leurs impacts sur le secteur de la construction notamment. La crise climatique et les tensions géopolitiques croissantes semblent mettre un terme à une période de trente ans où l’ouverture commerciale de l’Union européenne a été synonyme de stabilité des prix agricoles par la connexion directe avec des marchés internationaux où s’échangent surtout les surplus des fronts pionniers les plus agressifs à l’exportation. Le retour de l’inflation alimentaire tend à réhabiliter le contrôle des prix, qui ont constitué les premières des politiques macroéconomiques, tout en nous poussant à nous poser la question d’une déclinaison contemporaine d’un tel contrôle. Sans stock pas de sécurité alimentaire Face à l’instabilité structurelles des marchés agricoles, les gouvernements ne peuvent rester passifs tant les conséquences sociales et économiques sont importantes. A l’échelle mondiale, on observe depuis une décennie un renforcement des politiques agricoles auquel l’Union européenne ne peut plus faire exception. Les principales armes contre les différentes formes de spéculation sont les politiques de stockage alimentaire. La croyance néolibérale dans l’efficience des marchés a conduit le multilatéralisme à se doter de règles encadrant les politiques agricoles qui prohibent les politiques de stockage à visée stabilisatrice. Cet agenda consigné dans les règles agricoles de l’OMC est largement décrié depuis la fin des années 2000. Les négociations en cours à Genève pour préparer la Ministérielle de février 2024 semblent être en mesure d’aboutir à une réhabilitation des politiques de stockage. L’Union européenne doit soutenir le compromis qui se dessine et doit prendre sa part dans la stabilisation des marchés agricoles aux côtés des autres pays comme la Chine et l’Inde qui déploient des politiques de stockage conséquentes. Cela doit passer par le financement de capacités de stockage. L’obligation donnée aux compagnies pétrolières de détenir l’équivalent de 90 jours de consommation pour constituer des stocks stratégiques serait également un exemple intéressant à transposer. Un autre levier pertinent semble être la flexibilisation de la politique européenne en faveur de la production d’agrocarburants : quand les marchés agricoles s’emballent, l’alimentation doit primer sur les autres usages de manière à faire baisser les prix par une suspension partielle ou totale de leur production. Lutter contre la précarité alimentaire, notre priorité Savoir que des enfants partent à l’école le ventre vide est insupportable, surtout dans des pays aussi riches que les nôtres, c’est hypothéquer une partie de notre avenir. Le droit à l’alimentation ne peut être un vain mot pour nous Socialistes. La hausse des minimas sociaux et la revalorisation des salaires sont bien sûr nécessaires. Pour autant, les mesures ciblées sur les groupes sociaux souffrant de précarité alimentaire, comme les familles mono-parentales ou les étudiants, sont indispensables. Le programme européen d’aide alimentaire aux plus démunis doit être fortement renforcé pour financer les associations et les collectivités locales qui font face à une demande en forte croissance. L’accent doit être mis sur l’approvisionnement local et la reconnexion de la production agricole et l’alimentation au niveau local afin de lutter contre la précarité alimentaire tout en renforçant la résilience alimentaire des territoires. La relance de cette politique doit être accompagnée d’un discours déculpabilisant pour respecter la dignité des bénéficiaires : il est tout à fait normal que l’Etat Providence assure la subsistance de tous, le darwinisme social n’est pas une option pour nous Socialistes. Pour une troisième PAAC Depuis le début des années 1990, les différentes réformes de la PAC ont réduit cette dernière à une politique de soutien aux revenus des agriculteurs que l’on a cherché à verdir, en vain, en conditionnant le versement uniforme de subventions à l’hectare au respect de principes généraux en matière de protection de l’environnement. En réhabilitant le rôle nourricier d’une Politique Agricole et Alimentaire Commune et sa fonction de stabilisation des prix face à la crise climatique et aux désordres croissants du monde, la troisième époque de la PAC renouera avec l’interventionnisme de ces débuts (période 1962-1992). De surcroit, cet interventionnisme assumé des pouvoirs publics sur l’économie et les marchés agricoles est la condition sine qua none de la réussite de la transition agro-écologique de l’agriculture européenne. Le court-termisme des marchés et le yoyo des prix rendent inefficaces les approches promues de l’internatisation des externalités dans les prix. Une approche par les quantités et donc une certaine de dose de planification sont indispensables ainsi qu’un accompagnement continu des agriculteurs via des contrats de transition de long terme. Tous les agriculteurs et en particulier les éleveurs rêveraient de travailler moins et de gagner plus : plutôt que de subir la baisse de consommation de produits animaux, la réhabilitation de la maitrise de l’offre doit être assumée afin de réduire les émissions de gaz à effet de serre prioritairement sur les types d’élevage les moins durables tout en ménageant l’acceptabilité des agriculteurs par des garanties en matière de prix régulés. Construire l’autonomie stratégique alimentaire .... L’ouverture d’une nouvelle trajectoire de réformes de la PAC est indispensable pour construire l’autonomie stratégique de l’Union européenne en matière agricole, alimentaire et environnementale, c’est à dire lui donner les moyens de sa souveraineté alimentaire. Outre les politiques de stockage, cela passe également par la capacité à refuser les importations qui ne respectent pas nos standards de production afin de ne pas mettre en concurrence déloyale nos propres producteurs. Cela nécessite par ailleurs de disposer des leviers pour juguler à la racine des crises de surproduction qui minent nos capacités de production du fait des rigidités limitant l’ajustement de l’offre à des prix bas. Pour autant, l’autonomie stratégique alimentaire ne peut rimer avec autosuffisance voire autarcie. Bien au contraire, l’Union européenne est déjà importatrice nette en quantité, en équivalent hectares ou en calories : c’est en multipliant les accords commerciaux d’un nouveau genre avec les pays tiers qui voudront élever leurs standards de production que nous assurerons notre indépendance et exporterons les valeurs de solidarité, d’universalisme et de protection de la biodiversité qui sont les nôtres. .... pour réussir le Green Deal L’agenda du Green Deal lancé en 2019 place l’Europe à la tête d’un nouveau modèle de développement basé l’impératif de la neutralité carbone et la protection de la nature. Pour que les terres agricoles puissent effectivement devenir un puits de carbone, cela suppose une transformation des systèmes de production vers les idéaux-types de la polyculture élevage et de l’agriculture biologique. La réduction de moitié de la consommation de pesticides d’ici 2030 est notre boussole pour accélérer le développement des alternatives promues par l’agroécologie et le biocontrôle. C’est là que se situe l’innovation et le progrès véritable et non l’éternelle fuite en avant scientiste des productivistes. Enfin, l’objectif de 25% des terres en agriculture biologique d’ici 2030 nous oblige à penser la réglementation régulation des surplus du bio pour les dégager vers le marché conventionnel voire les cantines et l’aide alimentaire : investir dans l’agriculture biologique sera toujours le plus profitable pour la qualité de l’air, de l’eau et de l’alimentation. Le budget de la PAC doit être massivement réorienté vers les paiements pour service environnementaux, les aides couplées aux productions vertueuses et les aides aux emplois agricoles. La PAC basée sur des aides découplées à l’hectare a été très performante pour doper la compétitivité de l’agro-alimentaire européen en lui permettant d’acheter des matières premières sous leurs coûts de production, mais la performance globale de la PAC tant sur ces dimensions sociales qu’environnementales nécessite une réorientation. Enfin, une nouvelle PAC contribuant à la réussite du Green Deal passera par la création d’aides financières adéquates, y-compris en utilisant d’autres instruments financiers européennes, tel que le grand emprunt NextGenerationEU . Contrer le populisme et sauver l’intégrité du marché commun L’instrumentalisation éhontée des conséquences de la guerre en Ukraine par la droite et l’extrême droite pour miner le Green Deal doit être dénoncée. Ils agitent les conséquences d’une stratégie qui n’est pas encore entrée en vigueur pour justifier le statu quo de la course en avant dans le productivisme. Il convient au contraire de leur répondre que, si nous sommes dans un état de fragilité, c’est à cause d’un agenda néolibéral de dérégulation des marchés impitoyable pour les paysans. Ils se veulent les champions des agriculteurs, mais n’ont aucune proposition pour les sortir des eaux froides du néolibéralisme si ce n’est la rengaine du produire plus en cannibalisant les terres de son voisin. Pour réussir la transition agro-écologique nous aurons au contraire besoin de plus d’agriculteurs et d’agricultrices et de les protéger par davantage de régulation des marchés. L’échelle européenne est le niveau idoine pour construire notre souveraineté alimentaire commune, y-compris en valorisant et en communautarisant les succès locaux. La réaction de l’UE face à la crise énergétique enclenchée par la guerre en Ukraine montre que nous, Européens, sommes capables de trouver les solutions ensemble (stockage, achat groupé, découplage prix du gaz et prix de l’électricité, plafonnement des prix du gaz). Ce qui a été fait sur l’énergie peut être réalisé pour les produits agricoles et l’approvisionnement alimentaire. A contrario, penser que la souveraineté alimentaire pourra être traitée à l’échelle de chaque Etat membre est une dangereuse illusion. Enfin, la bataille contre le populisme anti-européen nécessite une nouvelle approche pour le développement des territoires ruraux. Le développement des énergies renouvelables et la réhabilitation de l’interventionnisme sur les marchés agricoles vont certes permettre de réinjecter de la valeur dans les zones rurales. Cela ne sera pas suffisant, la politique de cohésion doit être réformée pour qu’un fonds spécifique aux zones rurales soit créé pour tenir compte de leurs spécificités et pour rééquilibrer les forces économiques qui, faute de transfert correcteur, enrichissent le centre et appauvrissent les périphéries.

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