Depuis l’adoption de l’Accord de Paris, les banques françaises ont financé les énergies fossiles à hauteur de 295 milliards de dollars selon un rapport publié en 2021 par six ONG internationales, dont Reclaim Finance et Rainforest Action Network. Publié chaque année, ce rapport se base sur les données de l’agence Bloomberg et étudie les financements (prêts et émissions d’actions et d’obligations) accordés par les 60 plus grandes banques du monde à 2 300 entreprises des secteurs du charbon, du pétrole et du gaz. Au total, entre 2016 et 2020, ces 60 banques ont accordé pas moins de 3 800 milliards de dollars aux entreprises actives dans les énergies fossiles. « De la même façon qu’une banque a une empreinte indirecte via ses financements et investissements, en miroir, nous l’avons également en tant que client bancaire. L’étude d’Oxfam France sur les banques publiée en novembre 2019 révèle que notre argent représente notre premier poste d’émissions de CO2. Si l’on considère que les Français ont en moyenne 25 000 euros sur leurs comptes, nous polluons encore plus via ce que finance notre argent que par notre propre consommation. Si nous prenions en compte les émissions de gaz à effet de serre de notre compte bancaire, notre empreinte carbone serait ainsi deux fois plus élevée ! Pourtant, le modèle actuel des banques ne permet aujourd’hui pas aux client-e-s de savoir à quoi sert réellement leur argent. Notre argent, placé en banque, a donc un impact environnemental et social... sans que nous en ayons vraiment la maîtrise. » Aujourd’hui, nous entendons parler de plus en plus de « green bond » ou de finance verte. Une finance verte qui pousserait l’ensemble des acteurs, dont les grands groupes, à investir dans le vert. Or, nous n’avons aucun véritable moyen d’obligation. La majorité des entreprises françaises pour ne citer qu’elles ont pour objectif le « zéro émission » à horizon 2050. Cette idée serait un moyen d’imposer le financement vert à l’échelle européenne par la création d’une monnaie verte. Une monnaie verte qui ferait partie (à proportion définie) de toutes les transactions. Par exemple, dans le B2B, lors d’une transaction entre deux industriels, une proportion de la marge serait réglée en monnaie verte. Prenons un exemple concret : L’entreprise A achète un produit ou un service à l’entreprise B au prix de 100 €. On sait que l’entreprise B marge à hauteur de 20 % par exemple, même si dans certaines industries, on est bien en dessous de ce niveau de marge, et pour d’autres, bien au-dessus. On va établir un pourcentage de monnaie verte sur cette marge. On peut prendre un quart. Ainsi, on a 20 € de marge et parmi ces 20 €, 5 € devront se payer en monnaie verte. Sur la facture totale, on aura un montant de 95 € et de 5 € verts. On pourrait croire que ce n’est pas suffisant, mais à l’échelle d’une année, et ce, au niveau européen, ça serait considérable. Vous allez me dire, mais quel est l’avantage ? L’avantage, c’est que cette monnaie verte, nous ne pourrons l’utiliser uniquement pour investir dans du vert. Pour que ça reste logique et faisable, il faut raisonner en année. Toute l’année, l’entreprise emmagasine des revenus, dont une part en euro et une part en euro vert. À la fin de l’année fiscale, au moment du bilan, l’entreprise aura un revenu net dans les deux monnaies. Le revenu net en euro vert devra être investi dans des produits ou dans des projets verts pour l’année suivante. On aura donc un montant fixé qui sera obligatoirement utilisé pour la finance verte. On peut comparer ça à des tickets-restaurant. De plus, ça pousserait sûrement les entreprises à utiliser des euros « normaux » pour combler un investissement dont les euros verts ne suffiraient pas tout comme on ajouterait un euro à un ticket-restaurant pour arriver au prix du menu que l’on souhaite. On pourrait appeler cette monnaie l’eugreen. Alors bien évidemment, cette monnaie pourrait également s’adresser à nous tous. Dans nos salaires, nous pourrions avoir une part en euro vert. Ces euros verts pourraient être utilisés uniquement pour des produits ou des projets à faible émission, renouvelables ; écologiques tout simplement. Enfin, si une banque utilise notre argent pour financer des projets, elle sera contrainte d’utiliser l’eugreen de notre compte bancaire pour financer des projets « verts ». On pourrait même aller plus loin en imaginant une proportion du prélèvement à la source en eugreen afin de pousser l’état à augmenter ses dépenses « vertes ». Tout cela est hypothétique au vu de l’équilibre du budget général et de la conjoncture nationale et internationale. Risques & difficultés : 1. Pouvoir d’achat : cohérence entre les salaires et le coût de la vie, et ce, notamment pour les produits écologiques (même si la priorité est sur les entreprises et non les particuliers) ; 2. Effet pervers conduisant à une hausse des prix d’autant plus dans le contexte international actuel ; 3. Conduite du changement ; 4. Opposition des grands groupes et notamment des industries polluantes ; 5. Failles de la loi (Ex : fraude à la TVA sur les quotas de carbone) ; 6. Universalisation de la mesure (Ex : comment faire en sorte qu’une multinationale française fasse cela en dehors de la France ? Peut-on appliquer cette mesure à l’échelle de l’UE ou encore à l’échelle internationale ? Si oui, hormis en inspirant, comment faire ?) 7. Référencement des produits et des services assujettis à la monnaie verte. (Taxonomie européenne ?) 8. Que faire en cas de déficit ? Un bénéfice net en euro vert, peut-il compenser le déficit en euro ? Peut-on être déficitaire en euro vert ? Doit-on imposer les bénéfices verts ? Ici aussi, attention aux effets pervers.