Contribution de la Fédération Socialiste de la Haute-Vienne à la Convention Nationale sur l’Europe

« Il est temps, temps, temps que l’Europe se fasse » Vous êtes lents, Alain Souchon

Toute préparation d’une échéance électorale doit être l’occasion de réaliser des constats avant de se projeter dans la construction d’un projet de société.

L’échéance des élections européennes de 2024 nous invite ainsi à réaliser un état des lieux lucide et exigeant de la construction européenne et des politiques européennes.

En tant que socialistes, nous sommes fondamentalement européens. Nous avons la conviction qu’un destin commun unit les citoyens de l’ensemble des nations européennes. La construction européenne, en tant qu’outil d’unité et de solidarité entre les peuples, est un élément constitutif et structurel de notre modèle de société. Le socialisme international et universel passe par le socialisme européen.

L’instabilité croissante du monde, impacté par une multitude de crises diplomatiques, économiques, sanitaires ,climatiques, migratoires … renforce notre conviction qui fait de l’Europe le meilleur échelon pour faire face à ces défis.

Les enjeux de reconquête industrielle, de lutte et d’accompagnement du réchauffement climatique, de sécurité, d’accueil des réfugiés, de défense, d’autonomie en matière agricole, de santé ou d’énergie ne peuvent trouver de réponse ambitieuse qu’au niveau européen.

Alors que dans les années 90 certains prédisaient « la fin de l’histoire », la guerre frappe à nouveau aux portes de l’Europe qui se rappelle à sa vocation initiale : faire la paix en créant les conditions de partenariats, d’échange et de fraternité entre les peuples européens.

L’Europe c’est la paix, et l’agression inhumaine et impardonnable de l’Ukraine par la Fédération de Russie a renforcé l’unité de l’Union européenne dans la solidarité avec le peuple ukrainien opprimé. Une stratégie globale de soutien militaire, humanitaire et d’accueil des réfugiés a été engagée dans la réactivité et l’efficacité.

Sans renier son fonctionnement démocratique la diversité de ses états membres, l’Union européenne, à l’image de la gestion de la crise sanitaire, a été au rendez-vous de l’histoire.

Au-delà de sa capacité à répondre aux grands défis stratégiques et de garantir le respect des droits humains et la lutte contre les discriminations, l’Union européenne est également un outil de progrès social dans le quotidien des citoyens européens.

La diversité des territoires de la Haute-Vienne est le parfait témoin de la réalité de l’action de l’Union européenne, au plus près des réalités. Notre territoire est constitué d’espaces ruraux 1 qui bénéficient de la politique agricole commune, de centres urbains et de quartiers populaires où des projets d’équipements et de services publics sont financés par le fonds structurels européens (maisons de santé, médiathèques…).

Malgré les faits, la construction européennes est menacée.

Au cœur de la cible, des populistes et des nationalistes qui veulent mettre un terme à sa construction, souvent le bouc émissaire des responsables politiques nationaux qui y voient un outil de déresponsabilisation de leurs échecs, l’Europe est également largement critiquée par une part non négligeable de nos concitoyens qui lui reprochent un éloignement ou l’incarnation d’une technocratie.

Malgré les faits, nous devons nous interroger sur la source de cette désaffection citoyenne pour la construction européenne. Les taux de participation aux élections européennes et les sondages d’opinion démontrent un désenchantement des peuples pour le fait européen.

En tant que socialistes, nous devons rappeler et dénoncer la trajectoire ultralibérale des stratégies européennes des dernières années.

Certaines directives européennes guidées par les principes de libre concurrence du marché ont déstabilisé des pans entiers des services publics et les économies mixtes de certains pays européens, impactant directement les conditions de vie de nos concitoyens.

Par ailleurs, les règles de stabilité financières, érigées en vertus cardinales et désormais critiquées par des responsables politiques et des économistes de toutes sensibilités politique, ont créé les conditions et la justification de la destruction d’une partie de notre modèle social.

La réalité des crises financières successives, l’absence d’anticipation de l’Europe devant les grands défis technologiques et industriels, la concurrence des superpuissances américaine et chinoise qui usent de protectionnisme et de planification démontrent la justesse des thèses socialistes qui appellent un changement global de paradigme européen.

L’Europe n’est pas un objet fini, nous ne sommes pas des conservateurs et au-delà de la défense de la construction européenne, nous devons penser les bases d’une autre Europe.

Ce combat pour un changement de modèle doit être accompagné de propositions concrètes pour changer la vie de nos concitoyens européens.

Le réenchantement du fait européen dans les cœurs et les esprits passe par l’ouverture d’un nouveau champ des conquêtes en matière de justice sociale, d’équité territoriale, de respects des droits humains et de lutte contre le changement climatique.

Dans le cadre de la convention nationale dédiée à l’Europe, les socialistes de la Haute Vienne se sont attelés à penser ces nouvelles conquêtes.

A travers de nombreuses réunions de sections, des auditions d’acteurs de terrain et des temps de formation autour de notre ancien député européen Jean-Paul Denanot, les militants contribuent à travers la synthèse de leurs réflexions à la construction du projet du Parti socialiste pour l’échéance des élections européennes de 2024. 

1. Quelle Europe ?

• Gouvernance – institutions :

Le premier chantier d’une transformation de l’Union européenne doit être une réforme de ses institutions et de son mode de gouvernance. Si nous entendons construire une Europe sociale et fédérale un rééquilibrage des pouvoir entre la commission, le conseil européen et le parlement. Le renforcement du rôle et des prérogatives des députés européens doit être l’un des moyens de reconnexion de l’intérêt de nos concitoyens avec les politiques européennes et d’assurer une meilleure place pour la démocratie représentative au sein de l’Union.

- Rééquilibrer les pouvoirs entre la commission, le parlement et le conseil européen,

- Attribuer un pouvoir d’initiative parlementaire aux députés européens,

- Engager une réflexion sur le principe de l’unanimité des décisions au sein du conseil européen (majorité des 2/3 à étudier)

- Réguler et contrôler l’influence des lobbies dans les décisions

• Europe sociale :

- Harmoniser de manière renforcée des conditions sociales et de travail des européens,

- Imposer la reconnaissance et des droits sociaux pour les nouvelles formes de travail au sein des états membres (plateformes, télétravail…),

- Définir de nouveaux droits fondamentaux imposables : alimentation de qualité, logement digne, droit à la mobilité, à la santé, à la sécurité …

- Renforcer la portabilité des droits des travailleurs au sein de l’UE,

- Reformer le modèle du SMIC européen pour tendre vers la valeur de référence du salaire médian dans chaque pays

- Coopérer plus largement en matière de santé notamment par des achats groupés et la mobilité des médecins (avec une harmonisation des diplômes)

- Développer une politique européenne de lutte contre le handicap

• Écologie :

- Conditionner l’attribution des crédits européens aux états membres par rapport au respect de leurs engagements en matière de lutte contre le changement climatique,

- Créer une écotaxe à l’échelle européenne sur les transports carbonés (transporteurs routiers, compagnies aériennes, transport et tourisme maritime…) afin de financer l’accompagnement au changement climatique et le transport ferroviaire

- Défendre une politique de régulation des flux énergétiques et aller vers une autonomie énergétique

- Réduire de manière netten ferme, claire, contraignante et harmonisée l’utilisation des intrants agricole avec un accompagnement à la transition

- Etendre le périmètre des zones naturelles protégées (zones Natura 200) et renforcer la protection de la biodiversité animale et végétale.

• Droits humains :

- Conditionner l’accès des fonds structurels au respect des libertés fondamentales définies dans la charte des droits fondamentaux de l’UE (liberté d’expression, dignité, lutte contre toutes les discriminations, droits des femmes, handicap …)

- Étendre de nouvelles libertés fondamentales dans les traités et la charte (IVG, fin de vie…),

2. Les enjeux structurants

• Stratégie industrielle :

- Réenclencher les grands programmes industriels européens autour des défis structurants (santé, défense, énergie, numérique, transport) avec la volonté de consolider des partenariats de consortium européens,

- Réguler le dumping social au sein de l’UE

- Mettre en place un protectionnisme raisonné aux frontières de l’Europe

• Europe de la Défense / Diplomatie :

- Accélérer et renforcer la coopération des nations européennes pour construire une stratégie intégrée de défense, et une formation militaire commune

- Maintenir l’adhésion dans l’Otan,

- Renforcer la diplomatie européenne par la présence de correspondants de l’UE au sein des ambassades des états membres,

• Fiscalité/Budget européen :

- Mettre en place un budget vert européen,

- Instaurer une réelle fiscalité européenne - Renforcer la contribution financière des états membres à l’UE,

- Accélérer la lutte contre les paradis fiscaux et l’évasion fiscale,

- Fixer des règles d’interdiction au marché européen pour les sociétés condamnées pour évasion fiscale par l’un des état membre de l’UE

- Instaurer des règles européennes pour taxer les superprofits

- Reformer le pacte de stabilité et la règle des 3%

• Agriculture :

- Poursuivre la réforme de la PAC vers une transition agricole favorisant les produits de qualité et les circuits courts,

- Renforcer les éco-socio-conditionnalités des aides de la PAC pour les agriculteurs et l’industrie agroalimentaires (critères de conditions sociales des travailleurs, de limitation de l’impact sur l’environnement et la ressource en eau, de valorisation des produits en proximité)

- Rendre une partie de l’aide forfaitaire pour les agriculteurs indépendamment de la taille des exploitations

- Reconnecter l’agriculture à la question de l’alimentattion

- Accompagner les changements de pratiques qui vont vers le mieux-disant environnemental

- Intervention et régulation du foncier agricole pour éviter la spéculation

- Consolider l’harmonisation des règles d’utilisation des intrants agricoles (pesticides…).

- Défendre une politique commune du bien-être animal

• Migration :

- Sortir de la logique du règlement de Dublin III pour assurer une meilleure solidarité des pays européens en matière d’accueil des demandeurs d’asile,

- Créer une agence européenne de l’immigration chargée de garantir la dignité et l’intégration (formation, accès au travail, accès aux soins…) des réfugiés dans les états membres,

3. Une Europe au plus près des citoyens

• Jeunesse :

- Développer l’accès à Erasmus pour les apprentis,

- Amorcer le principe d’un service civique européen universel,

- Garantir une mobilité européenne pour tous les jeunes dans le cadre de leur cursus de formation (stage, voyage d’étude, année de césure…),

• Services publics :

- Instituer une exception à la règle de la libre concurrence protégeant les services publics essentiels (eau, santé, transports, énergie…)

• Relation Europe/collectivités :

- Renforcer le couple Europe/collectivités territoriales qui a fait ses preuves et fonctionne ,et communiquer sur ces coopérations

- Renforcer la visibilité de l’action du Comité Européen des Régions

Conclusion.

Les échanges avec nos camarades, dans leur diversité ont, non seulement confirmé notre attachement profond à l’Europe en tant que socialistes, mais également fait émerger le souhait d’aller vers plus d’Europe, mais une Europe, plus forte, plus juste plus proche et plus harmonieuse.

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