Aujourd’hui, être féministe et socialiste en France, c’est s’attacher profondément à l’émancipation des femmes dans une société encore marquée par des biais patriarcaux. C’est également se revendiquer d’un héritage de luttes et de conquêtes qui ont permis à des milliers de femmes d’accéder à plus d’égalité au sein de notre société. En effet, le socialisme se reconnaît à sa capacité à lutter efficacement contre le déterminisme et pour l’émancipation des personnes grâce à l’égalité des droits et des chances, contre la fatalité. C’est pourquoi il est nécessaire, en même temps que nous réalisons des avancées sociales et économiques, de ne jamais perdre de vue, en tant que socialiste, les combats féministes, encore longs, que nous avons à parcourir.
Nous formulons ainsi plusieurs propositions au sein de ce texte qui découlent naturellement les unes des autres, sans peur de trop d’ambition, afin de toujours prôner plus d’égalité, d’équité et de droits pour plus de la moitié de l’humanité. Nous nous plaçons, par exemple, dans la continuité des ABCD de l’égalité mis en place par Najat Vallaud-Belkacem en 2013 concernant nos propositions pour les plus jeunes d’entre nous.
1/ Pour une éducation sexuelle et affective dès le plus jeune âge
Pour débuter, il nous semblait primordial de vous présenter un extrait de l’article L312-16 du code de l’éducation (loi du 4 juillet 2001) : “Une information et une éducation à la sexualité sont dispensées dans les écoles, les collèges et les lycées à raison d'au moins trois séances annuelles et par groupes d'âge homogène. Ces séances présentent une vision égalitaire des relations entre les femmes et les hommes.”
Ces quelques lignes semblent induire des bases saines d’apprentissage des questions liées au genre et à la sexualité pour nos enfants. Or, en pratique, il s’avère que nous apprenons dans un rapport de l’Éducation Nationale publié en septembre dernier que seulement 15% de nos élèves ont eu accès à ce type d’enseignement, ce qui représente un élément très problématique lorsque l’on observe les dérives sexistes de plus en plus nombreuses ainsi que l’augmentation dramatique des violences intra familiales.
Nous pensons qu’il est nécessaire de penser une éducation sexuelle et affective dès le plus jeune âge afin de contribuer à la réduction des préjugés genrés au sein de la société qui font partie des premiers vecteurs de violences sexistes et sexuelles. Il faut repenser ces programmes à l’échelle nationale mais également à l’échelle des collectivités territoriales afin d’être les plus efficaces possibles dans ce combat pour changer de paradigme.
Au début de la vie en collectivité :
- Un enfant a le droit d’avoir une vie privée et de demander à ce que son intimité soit préservée, c’est pourquoi il est nécessaire d’introduire la notion de consentement dans l’apprentissage et la construction de l’enfant dès le plus jeune âge.
- L’éducation affective se doit d’être non genrée pour permettre d’inculquer le respect des minorités de genre et, plus tard, des différentes orientations sexuelles.
- Les espaces où évolue l’enfant peuvent également être repensés comme la cour de récréation. En effet, en rééquilibrant les espaces de jeux et en permettant à tous les enfants d’y avoir accès de manière égale cela permettra de favoriser la communication entre toutes et tous.
- Il ne faut également pas oublier les professeurs, souvent démunis, en leur proposant des formations dédiées et obligatoires mais également en assurant une co-animation de ces séances avec un professionnel de santé : psychologue, infirmier.e, sage-femme, médecin…
A l’adolescence, de l’entrée au collège à la fin du lycée :
- Le modèle de co-animation entre un membre du corps professoral et un professionnel de santé doit être conservé.
- Le volume horaire consacré à cet enseignement doit être augmenté afin de laisser le temps à un dialogue de s’instaurer et que chacune et chacun puisse être suffisamment à l’aise pour poser les questions qui lui sont chères.
- Repenser les programmes en ne limitant pas l’éducation sexuelle à l’enseignement de la reproduction comme c’est, encore, bien trop souvent le cas. Il est nécessaire de continuer les apprentissages liés à la notion de consentement et de respect des minorités de genres et/ou d’orientation sexuelle en explorant également ces sujets afin de mieux comprendre l’autre.
- La question de la contraception doit continuer d’être posée en présentant les déséquilibres entre les hommes et les femmes sur ces questions mais également en montrant de manière exhaustive toutes les contraceptions existantes afin que les jeunes femmes ne s’imaginent pas la pilule comme seule possibilité de contraception hormonale.
- L’adolescence est également la période des premières menstruations qui causent à nouveau des manques de respect liés à la différence entre les genres. C’est pourquoi, il nous semble essentiel de fournir à l’entrée au collège un kit de culotte menstruelle et également d’imposer l’accès à des protections à usages uniques gratuites dans divers lieux de l’établissement public et non pas seulement dans les toilettes réservés aux femmes afin de normaliser cet événement naturel mensuel qui rythme la vie de beaucoup de personnes. Ces mesures doivent être accompagnées obligatoirement de guides explicatifs sur ce que sont les menstruations et ce qu’elles impliquent.
- Cette lutte contre les stéréotypes de genres à l’aide de l’éducation sexuelle et affective doit également permettre de déconstruire des biais psycho sociaux liés à l’orientation scolaire et/ou professionnelle en ayant une approche non genrée des différents cursus qui existent, en proposant par exemple des ateliers de découvertes de familles professionnelles très genrées comme les métiers du soin ou de l'ingénierie et ce dès la 4ème. Les conseiller.e.s d’orientation doivent également y être formé.e.s
Il est difficile d’être exhaustif tant le sujet est vaste. En revanche, il est évident qu’un apprentissage plus tôt dans la vie mais également plus inclusif permettra de réduire les diverses violences et le déterminisme genré que nous connaissons. En effet, cela nous amène par exemple à croire que si les enfants bénéficient d’une éducation non-genrée cela impacte directement les questions de discrimination à l’embauche si elles sont également accompagnés de mesures ambitieuses notamment concernant le congé paternité que nous allons détailler ci-dessous mais également concernant la vie domestique au sein du foyer en assurant un plus juste partage des charges domestiques et ainsi un allègment de la charge mentale qui lui est lié.
2/ Le congé paternité, une solution contre les discriminations à l’embauche
Aujourd’hui, les statistiques montrent que de nombreux pères ne s’emparent pas de l’intégralité des jours de congé paternité qui leur sont offerts par la Loi, en particulier lorsqu’ils sont précaires ou, au contraire, lorsqu’ils exercent des postes à responsabilité.
Ainsi, perdure une importante inégalité dans la répartition des tâches liées aux soins et à l’éducation des enfants, ce au détriment des femmes, mais aussi de leurs conjoints qui ont également besoin de pouvoir créer un lien fort avec l’enfant, dès sa naissance.
Allonger la durée du congé paternité et sa partie incompressible et mieux l’indemniser, pour que les pères puissent participer autant que les mères, dès les premières semaines de la vie de l’enfant, aux soins et au développement affectif de celui ci, ce au bénéfice de tous les membres de la famille, et pour qu’ainsi :
- Les pères prennent leur congé sans risquer de subir la désapprobation de leur employeur, quel que soit leur niveau de responsabilité dans l’entreprise,
- Les nouveaux nés puissent bénéficier de la présence active de leur deuxième parent, ce qui est reconnu comme favorable à leur développement. - La mère soit systématiquement soutenue psychologiquement et dans la vie quotidienne, dans les semaines parfois éprouvantes qui suivent la naissance l’enfant,
- La potentielle future maternité des jeunes femmes ne soit plus considérée comme un risque particulier conduisant à des discriminations à l’embauche ou pendant la carrière,
- Les rôles au sein du couple parental ne soient plus définis de façon stéréoptypés et souvent définitifs par le déroulement des premières semaines de l’enfant
- Que le congé paternité ne pénalise pas financièrement la famille.
Nous proposons que le congé pris par le père d’un nouveau né doit être ajusté au congé maternité en vigueur. (weekend et jours fériés inclus) dans un délai de trois mois suivant la naissance (sans que cela n’affecte d’aucune façon la réglementation actuelle sur le congé maternité). Le niveau d’indemnisation devra être de 80 % du revenu net, sans plafond.
La relation au sein du couple parental s’en trouvera enrichie.
3/ La lutte contre les violences sexistes et sexuelles doit être une priorité
L’on sait qu’il faut également songer aux centaines de femmes tuées chaque année par leurs conjoints et les dizaines de milliers d’autres qui sont victimes de violences. Malheureusement, les politiques de ces dernières années ne permettent pas d’amélioration substantielle de la situation car les mesures interviennent souvent de façon trop lente ou trop faible. Le rapport du Haut Conseil à l’Égalité pointe une nouvelle fois, en 2023, un constat alarmant d’une France encore bien trop sexiste malgré certaines avancées saluées au sein du rapport. En effet, les derniers chiffres du Ministère de l’Intérieur font état d’une augmentation de 21% du nombre de victimes de violences conjugales entre 2020 et 2021. Il s’agit ici de proposer des solutions permettant de lutter efficacement contre les violences sexistes et sexuelles faites aux femmes en ne laissant pas cette mission aux seules associations dont le travail réalisé, avec peu de moyens, est déjà extraordinaire.
Certaines expériences ont été menées par certaines juridictions, qu’il conviendrait d’étendre à tout le territoire. L’idée est de développer les maisons d' accueil temporaires d' urgence, avec des places disponibles immédiatement en quantité suffisante, pour les femmes victimes de violences ou menacées. Les femmes peuvent intégrer ces structures près de chez elle et de l’école des enfants, pour quelques heures ou quelques jours, le temps que la justice fasse son travail d’enquête et prenne la décision d’éloigner si cela est effectivement justifié l’homme accusé de violences. Celui- ci est alors placé sous contrôle judiciaire ou dans des maisons dédiées aux hommes violents. Il lui est alors proposé un programme de “désintoxication à la violence” au terme duquel il est évalué, avant son jugement afin qu’il soit décidé à son encontre d’une sanction adaptée. S’il refuse, le juge peut décider d’une détention provisoire. Des médiations familiales peuvent également à ce moment là être mises en oeuvre si la femme en est d’accord, pour décider de la suite de l’organisation familiale. Des bracelets d’éloignement peuvent aussi, toujours dans ce cadre, être envisagés.
D’autres mesures d’urgence semblent indispensables :
- Une augmentation considérable, ciblée, des moyens financiers et humains à destination de la police, la justice et toute structure permettant d’héberger et protéger les victimes. Il faut également cibler ces augmentations de moyens dans les territoires ruraux, largement défavorisés en termes d’infrastructures.
- Proposer un rendez-vous médical gratuit dès la première déclaration de violences afin d’ouvrir un espace de discussion plus intime qu’au sein des commissariats où les formations des agent.e.s doivent encore s’améliorer pour mieux prendre en charge les victimes.
- Former de façon continue les agent.e.s aux violences sexistes et sexuelles et assurer la permanence au sein des commissariats d’une personne dédiée et formée à ces questions afin de lutter contre les refus de plainte mais également pour améliorer considérablement la prise en charge des victimes.
- Les signaux faibles doivent donner lieu à des questionnements systématiques pour mieux identifier de potentielles violences, les professionnel.le.s doivent y être formé.e.s.
- Agir contre le cyber-harcèlement et les violences en ligne en proposant un service de déclaration dédié aux atteintes numériques sexistes et sexuelles.
Malgré des prises de consciences et des mobilisations de plus en plus nombreuses au sein de notre société, nous observons que les violences sexistes et sexuelles sont encore bien trop présentes et que les moyens mis en œuvre pour lutter contre ces dernières ne sont pas toujours suffisants. Le chemin peut sembler encore long mais il est possible de trouver des solutions rapides et efficaces qui permettront d’avancer vers une société plus égalitaire, juste et inclusive.
La présente contribution a été voté en assemblée générale de la section Paris 11e Léon Blum le 20/06/2022
Auteurs de la contribution : Sophie Dusch, Nadia Ghez, Ahlem Girard, Claire Lévy, Sophie Tournan Robequain
Co-secrétaires de section : Ahlem Girard, Jérôme Meyer