Pour une politique européenne d’intégration

Nous, socialistes du Nord, refusons l’appellation de « crise migratoire », malheureusement consacrée depuis une dizaine d’année en Europe : comment qualifier de « crise » les bouleversements à l’œuvre dans le monde depuis si longtemps, qui n’en finissent plus de jeter sur les routes et dans les mers des millions d’hommes et de femmes qui fuient la guerre, la persécution, la pauvreté, et très bientôt, seront délogés par les effets du dérèglement climatique ?

La véritable crise, c’est celle de l’inadaptation de nos régimes politiques européens qui, face à la montée des populismes et de l’extrême droite, prônent l’illusion de mesures radicales anti-immigration plutôt que de s’organiser pour accueillir dignement l’équivalent de 1% de la population Européenne.

La véritable crise, c’est celle de notre impréparation à faire face aux défis du futur à court-terme, celui où des millions d’êtres humains seront délogés par les effets du dérèglement climatique. La véritable crise sera très prochainement démographique : ce sera la crise de notre mode de vie européen et de nos régimes sociaux-démocrates fondés sur la solidarité entre des travailleurs de moins en moins nombreux par rapport aux retraités. La véritable crise, c’est celle d’administrations publiques appauvries, dématérialisées, dans l’incapacité de mettre en œuvre des politiques ambitieuses au service des personnes. En d’autres termes, il n’existe pas de « crise migratoire », concept que les droites ont imposé dans le débat public et à chaque nouvelle loi immigration à force de rengaines destructrices ; seulement une crise de l’accueil et de l’intégration.

En tant que socialistes, en France comme au sein de l’Union européenne, nous avons la responsabilité de dépasser l’état de sidération qui est le nôtre depuis trop longtemps et de défendre des politiques humaines et justes. Nous avons le devoir de signaler chacune des nombreuses fois où les droits fondamentaux des personnes sont attentés, que cela soit sur le territoire français ou aux frontières européennes. Nous avons la responsabilité de contrer les droites françaises et européennes à chaque fois qu’elles tentent d’avilir et de criminaliser dans leurs discours les demandeurs d’asile, les migrants, les immigrés et même, de plus en plus souvent, les descendants d’immigrés nés sur le territoire européen. Nous ne pouvons pas laisser dire, nous ne pouvons pas laisser croire, que l’immigration est un problème et que la seule réponse doit être sécuritaire.
Être pour ou contre l’immigration a autant de sens que d’être pour ou contre le lever ou le coucher du soleil. De tout temps il y en a eu, de tout temps il y en aura. La question est donc celle de l’adaptation à cette réalité et des mesures qui permettent, à l’instar de tout autre question, de régler avec dignité et humanité les problèmes que cela poserait.

Pouvons-nous continuer à fustiger la non-volonté d’une personne de s’intégrer quand elle a été enfermée plusieurs fois durant 60 jours dans un centre de rétention administrative pour être relâchée chaque fois sans changements ?
Pouvons nous réellement prétendre intégrer quand nous hésitons à régulariser des milliers de personnes qui travaillent et qui créent de la richesse au quotidien ?

La criminalisation de l’immigration dans les discours à l’échelle européenne ne fait qu’accentuer les tensions et un regard de méfiance vis à vis des milliers de personnes qui n’aspirent, pour la plupart, qu’à vivre dignement dans le respect des règles et des valeurs des pays qui les accueillent.

A ce titre, notre département et plus généralement, l’exemple français, qui a connu de nombreuses migrations au XXème siècle, montre que l’intégration fonctionne. Deux tiers des enfants d’immigrés se marient avec des personnes dont les parents ne le sont pas. Cette réalité est l’antithèse des accusations constantes de communautarisme par les droites extrêmes et l’extrême droite. Face à ceux-là, nous devons chaque fois répéter que ces hommes et ces femmes sont une chance pour nos sociétés. Chaque fois dénoncer la criminalisation de la solidarité. Chaque fois redire que ces hommes et ces femmes exilés contribuent à nos économies, nos systèmes de solidarité, à notre recherche, à l’innovation. Qu’ils et elles contribuent à bâtir nos villes et à cultiver nos campagnes. Nous devons répéter cela sans cesse, sans refuser pour autant d’entendre les peurs de nos concitoyens qui, fragilisés par les nombreuses injustices de nos systèmes, s’inquiètent que leur soit imposée ce qu’ils considèrent être une nouvelle source de compétition, tirant à la baisse leur niveau de vie et leurs espérances pour une vie plus digne. Les écouter, avec respect, mais pour autant expliquer, argumenter, démystifier pour mener la bataille culturelle partout. Car il n’y a que la victoire sur cette bataille-là qui pourra mener à la victoire politique, celle du consensus européen pour des politiques migratoires plus justes et plus humaines.

Oui, il y a des étrangers qui commettent des délits et des crimes. Ils ne sont pas par essence parfaits puisqu’ils sont humains, ni plus, ni moins. Mais nous ne sommes pas dupes de la stratégie de la droite qui cherche à masquer ses défaillances en matière de réponse pénale derrière les politiques migratoires européennes. Les immigrés ne peuvent pas être les bouc émissaires des conséquences des coupes budgétaires intentées par la droite les 20 dernières années dans la justice et la police.

Face à ceux qui profitent des migrations, il nous faut une Union européenne forte - politiquement et juridiquement. Les états-membres doivent s’attaquer de façon concertée aux réseaux de passeurs, non seulement en renforçant la coopération policière mais aussi en harmonisant les sanctions et peines prononcées dans les états-membres à leur encontre. Une Union européenne forte politiquement, c’est également une Union européenne qui se saisit de la question des migrations secondaires vers son ancien allié, le Royaume-Uni, et qui agit concrètement pour la solidarité non seulement avec celles et ceux qui, sur nos côtes, attendent de traverser la Manche ; mais également avec les élus locaux qui sont amenés à gérer des situations humaines et humanitaires difficiles dans ce qui est devenu un territoire de transit. Une Union européenne forte politiquement, c’est aussi une Union européenne qui assume le multilatéralisme et qui y pèse de tout son poids, pour proposer et financer des mécanismes d’aide aux pays-tiers qui font face à l’arrivée massive de migrants à la suite de guerres ou de catastrophes.

Nous défendons par ailleurs une Union européenne forte de ses valeurs, qui ne mégote jamais avec l’application des droits fondamentaux, ceux-là même qui sont le ciment de notre Union. Nous défendons la mise en œuvre d’un guichet européen unique pour les demandeurs d’asile, et nous voulons qu’y soient adjointes des assurances sur les délais et la qualité de traitement des dossiers des demandeurs et des demandeuses. Nous souhaitons renforcer le pouvoir de contrôle du Parlement européen non seulement sur Frontex mais également sur les activités des forces armées des états-membres aux frontières extérieures. Nous ne supportons plus que des hommes et des femmes périssent en tentant d’entrer sur le territoire de l’Union européenne. Nous ne supportons plus non plus que des sections identitaires et fascistes s’organisent pour orchestrer elles-mêmes le refoulement de personnes migrantes le long des frontières intérieures de l’Union européenne. Il faut des sanctions fortes.

Nous souhaitons une Union européenne solidaire. Il n’est plus tolérable que nous abandonnions la gestion des flux migratoires aux Etats-membres de la première ligne. Il faut partager la solidarité et l’accueil de manière coordonnée entre les états-membres, comme nous avons su le faire pour les Ukrainiens, pour la dignité des personnes et pour lutter contre la montée des extrêmes qui se nourrissent de chaque atteinte à l’égalité entre les populations et les territoires. De la même manière, il faut créer d’urgence un espace humanitaire européen qui permettrait à l’Union européenne de se doter d’outils pour organiser et coordonner les opérations de sauvetage en mer, aujourd’hui dépendantes des volontés politiques nationales, voire même individuelles. Plus personne ne doit mourir dans nos eaux.

Car aucune politique sécuritaire n’a jamais empêché les hommes et les femmes de circuler dans le monde, il faut assumer de concentrer les moyens européens sur la mise en œuvre d’une véritable politique d’accueil et d’intégration. Nous défendons la création de voies de migration légale pour tarir les filières d’immigration clandestine qui transforment nos mers en cimetières. Nous défendons l’harmonisation des conditions d’accueil des migrants, pour déprécariser les parcours migratoires, lutter contre le non recours aux droits et les politiques de dumping migratoire. Par exemple, face aux droites françaises qui revendiquent de dévitaliser l’Aide médicale d’Etat, nous proposons d’en faire un mécanisme européen, sur budget propre de l’Union européenne.

Enfin, il faut doter l’Union européenne de moyens pour mieux intégrer. En sus de la régularisation des travailleurs sans-papiers, il faut impulser un élan européen de simplification administrative pour le renouvellement des titres de séjour afin de luter contre la précarité administrative et économique qui font obstacle à la dignité des personnes et dont se nourrissent l’ensemble des économies parallèles. Mieux intégrer partout dans l’Union européenne, c’est aussi assumer une véritable politique linguistique, autant pour la cohésion entre les citoyens européens que pour l’intégration des ressortissants non-européens vivant dans nos états-membres. Mieux intégrer, c’est aussi étendre les droits civiques des ressortissants non européens et permettre le droit de vote aux élections locales et européennes. Mieux intégrer, c’est réellement agir contre les discriminations que subissent encore des centaines de milliers d’immigrés et de descendants d’immigrés.

 

Voté à l'unanimité en Conseil fédéral du PS NORD

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