Contribution Fédération 35 Convention nationale « Le Temps des Femmes » juin 2023 La contribution proposée ci-après est le fruit des échanges des membres de la commission EgalitéS de la fédération PS 35. Elle est nourrie de nos rencontres lors de l’enquête militante, de nos échanges avec les acteurs et actrices locaux du féminisme et des temps forts de la convention nationale. Cette contribution fédérale est par nature incomplète, elle a vocation à nourrir la feuille de route féministe du Parti Socialiste. Violences La question des violences à l’encontre des femmes parce qu’elles sont femmes est la thématique qui émerge de manière systématique. Les féminicides, les viols, les agressions sexuelles, le sexisme ne sont pas une fatalité. Les moyens mis en œuvre doivent être à la hauteur pour accueillir, accompagner, réhabiliter les femmes victimes de ces violences. Pour sortir de la chape du silence, de la honte et de l’isolement nous proposons : -Un maillage du territoire de lieux d’accueil, de ressourcement et de reconstruction. Les violences à l’encontre des femmes touchent tous les âges, tous les milieux sociaux, tous les territoires, toutes les sphères de l’existence. -La prise en compte en matière d’hébergement/mise en sécurité des besoins hors violences intra-familiales, situation par exemple de femmes sans logement violées par leur hébergeur. -La formation des professionnel.les de la police/gendarmerie, de la justice, de la santé, de l’éducation, de l’action sociale au repérage, à un accompagnement respectueux, adapté à la réalité et au rythme des femmes. Si les associations font un travail remarquable, la majorité des femmes exposées à des violences renoncent à solliciter de l’aide faute d’avoir la garantie d’être crues et pour éviter le doublement de la violence face à des questionnements culpabilisants ou à des injonctions à l’acceptation et au silence. -L’effectivité de l’éducation à la vie affective relationnelle et sexuelle. Aujourd’hui 15% des écoliers et lycéens bénéficient de séances consacrées à la vie affective et sexuelle. Nous soutenons la mobilisation de la justice par SOS Homophobie, Sidaction et le Planning Familial, contre l’Etat pour manquement à ses obligations en matière d’éducation à la vie affective et sexuelle : #CasdEcole cas_d_ecole_dossier_presse_def-280223 Education pour construire la culture de l’Egalité « Internet m'a volé mon rôle de mère en matière d'éducation sexuelle de ma fille ! » « Est-ce qu'il y a eu des espaces, des époques où le patriarcat n'existait pas ? » L’égalité n’est pas innée, la culture de l’égalité doit être considérée et transmise, elle est porteuse d’une société apaisée, juste, émancipatrice, créative et démocratique. La connaissance de soi, l’expression des émotions, le rapport à l’altérité, l’apprentissage de la médiation et de la coopération, sont constitutifs de la culture de l’égalité qui doit irriguer nos propositions en matière d’éducation. Cette éducation est valable pour tous les âges en adaptant les mots et les supports. « Consentir c’est toute la vie. C’est aussi apprendre à dire Non ». 1 français sur 10 déclare avoir été victime d’inceste durant son enfance (IPSOS, 2020), la commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants estime que chaque année 160 000 enfants sont victimes de violences sexuelles. -Développer des plans d’éducation à l’égalité à la manière des plans d’éducation artistique et culturelle. En faisant alliance avec le monde associatif et les collectivités locales portant des centres de santé sexuelle, chaque enfant tout au long de sa scolarité bénéficiera d’un parcours Egalité, en adéquation avec son âge, intégrant les différentes dimensions de la connaissance de soi, de la culture du consentement, de la communication non violente, de la coopération, de la santé sexuelle, de la vie affective relationnelle et sexuelle, de la mécanique des stéréotypes et des discriminations. En l’absence de politique publique d’Egalité ce sont les forces du marché et les tenants d’un ordre injuste et réactionnaire qui donnent le « la » et renforcent les stéréotypes qui entretiennent et banalisent les inégalités entre les femmes et les hommes. « Sur TikTok et YouTube les garçons sont dans la virilité et des filles dans les stéréotypes bimbo ; de plus en plus de gamines se font opérer. Les stéréotypes y sont hypertrophiés, c’est une véritable intoxication. Les auto-médias des influenceuses véhiculent une véritable régression ». « La pornographie est, en l’absence d’éducation à la vie affective relationnelle et sexuelle, un vecteur d’apprentissage d’une sexualité agressive, dominatrice où règne le virilisme » -L’espace public numérique amplifie les harcèlements, facilite les prédations, sa régulation pour protéger et lutter contre l’impunité est indispensable. Contrecarrer, dans tous les domaines, la domination masculine Dans le sport Le sport pourrait être symbolique de l'égalité entre les femmes et les hommes, mais la déconsidération du sport féminin : diffusion TV, rémunérations, primes, la séparation des pratiques féminines et masculines et le fait que beaucoup de disciplines soient genrées rendent le sport vecteur des stéréotypes et des inégalités entre les femmes et les hommes. Nous proposons : -D’alterner chaque année les diffusions des finales Femmes et Hommes (samedi/dimanche) du tournoi de Roland Garros. -De favoriser la mixité des pratiques En matière de santé « La médecine est-elle genrée ? Existe-t-il des biais ? » « Ma doctoresse, d’ailleurs elle ne veut pas qu’on l’appelle comme cela, pour elle un patient est un corps, elle accorde peu d’importance au genre » Il faut soigner tout le monde de la même façon mais cela ne doit pas faire obstacle à la reconnaissance des pathologies féminines : par exemple l’endométriose, le diagnostic des infarctus chez les femmes, la prise au sérieux des douleurs des femmes. Nous proposons : -Déploiement du congé menstruel -Avoir un observatoire de la santé au prisme du genre -Mixité des métiers du soin, libérer la médecine des stéréotypes de genre. - Priorité publique faite à la recherche pour la mise au point de la contraception masculine. La contraception doit être partagée : 50% des IVG sont pratiquées sur des femmes sous contraception. Dans l’espace public La pratique de l’espace public est différente entre les femmes et les hommes. Cette situation est inscrite dans des schémas de division sexuelle du travail, de contrôle du corps des femmes, d’assignation du féminin à l’intérieur et du masculin à l’extérieur, de domination proie/prédateur. Sans tomber dans une essentialisation source de réduction et de restriction aux rôles assignés (déterminés par le sexe), la défense d’un « droit à la ville/droit de cité », la promotion de l’espace public comme cadre du commun où chacun.e est légitime et reconnu.e dans sa singularité, impose de dépasser l’illusion de la neutralité de l’aménagement. -Pour un espace public garant de l’égalité et lieu du commun il est nécessaire : d’observer/mesurer la réalité des usages, de concerter/consulter en veillant à la parole des femmes, de prendre en compte l’égalité dès la conception des projets et enfin de veiller à animer cet espace public. -Construire des cours d’école, des aires de jeux libérées des stéréotypes de genre, accueillantes pour toutes et tous. -D’une manière plus générale pour l’ensemble de l’action publique l’illusion que la neutralité garantirait l’égalité doit être dépassée si l’on souhaite s’affranchir des stéréotypes pourvoyeurs d’inégalités. -A l’image des études d’impact en matière de biodiversité, la systématisation d’études d’impact en matière d’égalité, en amont des projets et politiques publiques nous semble être un outil utile pour construire l’égalité réelle. - L’absence symbolique des femmes dans l’espace public (noms de rue, statues historiques, architectes…) contribue implicitement à l’illégitimité des femmes à s’approprier l’espace public. Révéler le Matrimoine c’est aussi sortir de l’invisibilité la contribution des femmes et des mères à notre héritage commun, c’est élargir les imaginaires, apporter de la reconnaissance, offrir des modèles. L’Egalité pour la justice sociale et écologique et la lutte contre l’extrême droite Cumul des discriminations La construction de l’égalité réelle implique de prendre en considération le croisement des discriminations et des dominations : l’intersectionnalité. Les femmes migrantes sont ainsi dans une situation spécifique qui implique des réponses adaptées afin d’éviter d’aggraver les formes de relégation et d’invisibilisation. Elles sont plus vulnérables, surexposées aux violences au cours de leur parcours migratoire, à l’esclavage moderne ; souvent mères elles sont confrontées à la difficulté de faire garder leurs enfants pour mener à bien les démarches administratives, cela entrave leur accès aux droits. « Pour que les enfants entrent en crèche il y a obligation d'avoir un titre de séjour, or l’impossibilité de faire garder leurs enfants entrave les démarches ». « Lorsque les femmes étrangères sont en situation de dépendance vis-à-vis des conjoints violents cela les met dans une situation de forte vulnérabilité. Le recours à la police est impossible quand on est en sans-papiers donc sans droits » -Prendre en compte le genre dans la politique d'accueil et d'intégration, notamment en matière de formation, d’apprentissage de la langue, d’accès aux droits. Justice sociale Promouvoir l’égalité entre les femmes et les hommes c’est contribuer à l’objectif de justice sociale. L’égalité salariale est une question de justice sociale, lutter contre la pauvreté c’est prendre en compte la situation des familles monoparentales qui sont surexposées au risque de pauvreté : 33% des familles monoparentales se situent sous le seuil de pauvreté et 85% des familles monoparentales sont constituées d’une femme avec son ou ses enfants. -Les questions de revenu universel et d’organisation du travail doivent être abordées et traitées en tenant compte de leur rôle dans la réduction des inégalités de genre. Parce qu’ils sont occupés par des femmes, parce qu’ils reposent sur des compétences dérivées du travail domestique donc gratuit, les métiers fortement féminisés, les métiers du prendre soin, les métiers du lien sont caractérisés par des conditions de travail et de rémunération très défavorables. Ce sont aussi des métiers pour lesquels la lutte, la construction d’un rapport de force est susceptible d’entrer en conflit avec le sens des missions « Si je fais grève, la personne âgée dont je m’occupe se trouvera en difficulté », la mécanique de l’oubli de soi pour le bien et la préservation de l’autre est à l’œuvre aussi dans la vie professionnelle. -Les négociations salariales doivent tenir compte des biais de genre. Dans les métiers qui garantissent l’effectivité des droits des femmes s’ajoute très souvent la dimension militante et l’engagement bénévole qu’elle implique. C’est ainsi que les associations qui permettent au quotidien l’effectivité des droits des femmes sont aussi souvent confrontées au turn-over et à l’épuisement de leurs salarié.es. « Les conseillères conjugales et familiales sont souvent à temps partiel pour pouvoir souffler, leur rémunération est proche du SMIC ». -La reconnaissance des compétences, de la difficulté des métiers de l’effectivité des droits des femmes est un sujet à part entière. -Le fait que certains services de l’action publique (accès à l’IVG, lutte contre les violences faites aux femmes, éducation à la vie affective, relationnelle et sexuelle…) soient pris en charge par les associations correspond à une forme de délégation du service public, à la reconnaissance des limites de l’institution. Cela doit amener à des garanties de soutiens et de stabilité de la part de l’Etat. Bifurcation écologique Les enjeux écologique et d’égalité F/H se croisent doublement. Les risques climatiques et environnementaux touchent davantage les femmes car elles font partie des plus pauvres, car la responsabilité de la sauvegarde leur est assignée et passe avant leur propre préservation. Les changements de comportements qu’impose la bifurcation écologique pourraient se traduire par un alourdissement de la charge mentale des femmes. Pour autant nous pouvons observer la même logique de domination à l’œuvre dans l’exploitation de la nature et dans le patriarcat. Le défi commun est bien de transformer le rapport au monde et au vivant, de passer de la culture binaire de la domination et de la prédation à la culture du respect, de la reconnaissance, de la préservation du vivant dans sa diversité. Les capacités développées par les femmes en termes de sauvegarde de la vie, de soin et d’attention sont celles qui doivent être promues pour réussir la bifurcation écologique. Il y a ainsi un changement de repères à opérer pour prendre en compte l’impact environnemental et l’impact en matière d’égalité et de diversité de nos actions et des politiques publiques. Nos indicateurs, nos échelles de valeurs doivent contenir ces dimensions. Nous proposons de : -Passer du PIB au Bonheur National Brut ou au Budget Bien-être Mener une politique d’égalité réelle c’est combattre la droite et l’extrême droite. Les droits des femmes, l’égalité entre les femmes et les hommes, les droits des minorités sont la cible des courants réactionnaires et autoritaires. La « manif pour tous » a réactivé les mouvements anti-choix, les attaques à l’encontre des personnes LGBTQI+. « On observe que les mouvements anti-choix sont très bien organisés et soutenus financièrement, les forces de remise en cause du droit à l’IVG sont sournoises, diffuses, il y a une métamorphose de la lutte anti-choix qui n’est plus frontale mais détournée ». Comme à l’assemblée nationale le discours se veut lisse et policé, il s’appuie sur l’exposition des risques, sur des stratégies de détournement des supports de communication et s’insinue au cœur de l’appareil législatif. Ce mouvement est agissant à l’échelle internationale et européenne, il existe une internationale des anti-choix, de la politique nataliste, de la norme religieuse, de l’ordre injuste des inégalités « naturelles », du suprémacisme blanc et identitaire. Développer la culture de l’égalité, y compris dans le cadre du débat public c’est le décontaminer de l’obsession identitaire promue par l’extrême droite, des simplismes qui enferment, des logiques de stigmatisation et de réduction qui divisent et attisent la violence. Egalité réelle dans notre vie militante Aujourd’hui la fédération PS35 compte 36% de militantes et 64% de militants. Comment rendre le PS attractif pour les femmes ? Montrer que les femmes ont leur place en révélant le matrimoine socialiste, exiger la parité réelle, se former, diffuser la culture de l’égalité. -Matrimoine, rendre visible l’apport des femmes aux combats socialistes La parité comme la mixité ne garantit pas l’égalité. Pour atteindre la parité réelle nous proposons : -Scrutins de listes/binômes paritaires, le déployer pour les législatives -Limiter le cumul des mandats dans le temps qui garantit le renouvellement -Soutenir les élues et préparer les futures élues Déployer la culture de l’égalité dans nos pratiques militantes et dans l’exercice du pouvoir. Nous sommes tous et toutes traversé.es par les stéréotypes qui entretiennent les inégalités entre les femmes et les hommes et les banalisent. Pour s’en affranchir il faut se former. -Equiper les socialistes des « lunettes de l’égalité» La culture de l’égalité ce sont aussi des formes, des formats. -Egalité des temps de parole -Alternance des prises de parole -Utiliser l’écriture égalitaire https://www.haut-conseil-egalite.gouv.fr/stereotypes-et-roles-sociaux/actualites/article/guide-pour-une-communication-publique-sans-stereotypes-de-sexe « La culture de l’égalité est-elle compatible avec le débat politique ? Avec la violence de la conquête du pouvoir, avec la dureté de l’exercice du pouvoir ? » La culture de l’égalité n’est pas une lubie, elle est au cœur de l’ambition démocratique. La cultiver dans nos pratiques militantes, la diffuser dans le débat public et la concrétiser dans l’exercice du pouvoir c’est restaurer notre crédibilité auprès des électeurs et électrices déçu.es par les combats virilistes, c’est un antidote à la violence de l’autoritarisme, un levier du collectif dans une société atomisée, fracturée par le néo-libéralisme, c’est le levain d’un réenchantement du politique.